C’est un salarié licencié en 2016 par la prestigieuse maison de champagne rémoise qui a lâché cette petite bombe. Aujourd’hui à la retraite, il affirme que son ex employeur a acheté 4 millions de bouteilles de champagne à Piper Heidsieck pour les revendre deux fois plus cher après les avoir habillées de la fameuse étiquette orange. Le Procureur de la République de Reims a ouvert une enquête.
Cet épisode de l’histoire commerciale de Veuve Clicquot remonterait à une quinzaine d’année. Et il n’a pas pu échapper aux salariés qui en ont assuré la mise en oeuvre. La direction l’avait alors justifié comme l’unique moyen d’honorer des commandes qui auraient été perdues sans ce tour de passe passe. Les stocks des maisons de champagne étaient loin d’être gonflés comme ils le sont aujourd’hui. le passage au troisième millénaire avait vidé les caves. Les syndicats de l’entreprise ont choisi à l’époque de ne pas s’insurger.
RENDRE COMPTE À LA JUSTICE
Un ancien salarié l’a fait publiquement la semaine dernière à la faveur d’une audience du Conseil des Prud’hommes de Reims qui examinait le dossier de son licenciement. Cette révélation est certes le fait d’un homme meurtri par les circonstances de son renvoi. L’épreuve a été d’autant plus douloureuse qu’elle a fait suite à de graves accusations de gazage de l’entreprise. Attentat supposé dont il devait être très rapidement blanchi. La vengeance amère de cet ouvrier du champagne n’en est pas moins compromettante pour ce fleuron du groupe LVMH. Car il ne s’agirait pas ici d’un achat de « vins sur lattes”. Cette pratique peu avouable, et pourtant étrangement tolérée en champagne, consiste en effet à racheter des bouteilles en cours d’élaboration à un producteur. A l’acheteur de les mener jusqu’au stade final. Ce qui lui permettrait d’y mettre sa patte et donc de les vendre sous son étiquette… mais à condition de mentionner le nom de celui qui les a produites. Cette tolérance discutable, et d’ailleurs de plus en plus contestée, serait choquante de la part d’une des marques champenoises les plus prestigieuses, mais elle ne serait pas illégale.
PIPER OU CLICQUOT ?
Si on en croit ce retraité on est ici dans un autre schéma qui relèverait, celui là, de la tromperie. Les bouteilles dont il est question auraient en effet dû être mises sur le marché par Piper Heidsick (alors en difficulté) quand elles ont été achetées puis « habillées” par Veuve Clicquot … mais sans que le nom de Piper Heidieck n’apparaisse sur l’étiquette. Il raconte d’ailleurs qu’il en a acheté deux cartons comme tous les ans au tarif préférentiel que toutes les maisons de champagne accordent à leur salarié. Et c’est ainsi qu’en grand habitué du champagne de son employeur il aurait compris à la première gorgée que ça n’en était pas. Sous l’étiquette Veuve Clicquot, les bouteilles étaient d’ailleurs gravées au laser : APH comme Approvisionnement Piper Heidsieck, ce qui signifierait Selon lui qu’elles pouvaient difficilement entrer dans la fameuse catégorie des vins sur lattes. La direction de Veuve Clicquot affirme le contraire en précisant qu’elle n’a plus jamais eu recours depuis à ce genre de « dépannage ». Mais l’homme persiste et signe.
DES PREUVES ?
Les recherches qu’il a faites, grâce au redoutable dispositif de traçabilité Instauré par le Comité Champagne, lui auraient donné raison. Il ajoute qu’il a mis deux de ces flacons en lieu sûr parce qu’ils sont une des preuves de ce qu’il affirme. Le Procureur de La République de Reims indique qu’il a découvert cette affaire dans le compte rendu de l’audience prudhommale publié par le quotidien l’Union. Et il a décidé l’ouverture d’une enquête contre X en tromperie qui permettra d’entendre le « dénonciateur ». Car il importe, selon Matthieu Bourrette, de vérifier ses révélations graves, qu’elles soient fausses ou vraies.