VINCENT LAMBERT, LA PAIX INTERDITE

 Une fois de plus Vincent Lambert sera donc examiné par un collège de médecins. Comme on  pouvait s’y attendre, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a demandé une nouvelle expertise médicale avant de statuer sur la requête de ses parents. Ils s’opposent  à l’arrêt  des soins qui maintiennent leur fils en vie par alimentation et hydratation artificielle, depuis qu’il a été victime d’un accident de la route il y a 10 ans. Le Docteur Sanchez qui dirige actuellement le service rémois où Vincent Lambert est hospitalisé a décidé le 4 Avril dernier d’interrompre son traitement après la mise en oeuvre d’une sédation profonde. Comme deux autres médecins avant lui, il a refusé l’obstination déraisonnable. La procédure collégiale  qu’il a mis  en  œuvre  n’est pas contestée par la justice. Elle est très codifiée par la loi Leonetti-Claeys qui veut empêcher tout acharnement thérapeutique en préservant la dignité des patients. Mais Viviane Lambert et son mari ont aussitôt saisi la juridiction administrative pour bloquer la procédure. Catholiques fervents, ils refusent qu’on interrompe la vie et ils se sont persuadés que leur fils progresse. Les vidéos qu’ils ont  jointes au dossier ont pu laisser croire aux juges que leur fils est capable de réagir à ce qui l’entoure. Ce n’est évidemment pas l’avis des spécialistes sur lesquels s’est appuyé le chef du service des cérébro-lésés de Reims avant de prendre sa décision. Comme les inombrables experts qui l’ont examiné à plusieurs reprises, ils sont convaincus de l’état végétatif de Vincent Lambert. Tout a déjà  été diagnostiqué par les sommités de la neurologie, tout a déjà été jugé dans ce dossier par les plus hautes instances  judiciaire, jusqu’au Conseil d’Etat et en passant par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La personnalité et les convictions du patient avant son accident, défendues par son épouse Rachel et son neveu François, ne laissent par ailleurs aucun doute  sur la volonté  de Vincent Lambert de ne pas subir d’acharnement thérapeutique. Cela n’a pas suffi pour que les magistrats châlonnais refusent d’entendre une mère convaincue que son fils réagit à ses stimulations, qu’il est capable de déglutir. Elle réclame son transfert dans un centre où  il bénéficierait ,selon elle, d’une prise en charge plus adaptée qu’à l’Hôpital Sebastopol. Mais son épouse et tutrice légale, veut faire respecter la volonté du père de leur enfant. Rachel Lambert a longtemps lutté aux côtés de son mari, elle a voulu y croire pendant 5 ans avant de se résoudre à l’arrêt des soins. Son endurance devra se mesurer à la pugnacité de sa belle mère qui annonce qu’elle se battra « comme une lionne ». Si la justice conclut, une fois de plus, que la vie de Vincent Lambert doit s’arrêter, faudra-t-il passer sur le corps de sa mère pour faire respecter la loi et la volonté de son fils ?  Et comment  les réanimateurs pourront-t-ils désormais aller jusqu’au bout de leur mission pour sauver un patient…si c’est prendre le risque de lui infliger une vie neurovégétative sans issue, sans repos.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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