VENDANGES EN CHAMPAGNE : LE PIRE ET LE MEILLEUR

Les vendanges 2024 ne ressemblent à aucune autres. Alors qu’on a vu des coteaux ravagés par les intempéries, des raisins très abondants sur d’autres vignes ont parfois du mal à mûrir. Mais tout ça n’exclut pas l’éventualité d’un millésime comparable par endroit à l’historique année 2012. La Champagne étonnera toujours ses fans ! 

 À Barzy-sur-Marne, Murielle Faÿ est à l’image de la fameuse résilience champenoise, celle qui fait l’admiration et l’envie des autres appellations. Sur une partie des 9 hectares et demi qu’elle exploite avec son frère Stéphane aprés 10 générations, elle a vu tomber des trombes d’eau (120 mm en deux heures au mois de mai) et même de la grêle. “Mon père, qui a 78 ans, n’a jamais connu ça. On n’a jamais souffert du manque de raisin”.

“ON VA FAIRE PEU MAIS BIEN”

Dans les vignes que ses ancêtres cultivent depuis 10 générations, la vendange a commencé.  Mais il faut voir ce qui va rentrer. Rien n’est écrit pour la suite . Une certitude : sur les coteaux de Barzy ou de Passy les raisins sont magnifiques. En bonne œnologue, Murielle jubile à l’idée des assemblages qu’il faudra inventer. La réserve individuelle va lui permettre de compléter la vendange fraîche par les vins tranquilles (jusqu’à 40%) qui ont été stockés dans des jours meilleurs, quand la récolte a été abondante. Cette organisation propre à la seule AOC champenoise, va l’aider à sauver la situation.  “Le tirage  sera réduit cette année, mais très qualitatif.” L’optimisme ne faiblit jamais sur cette exploitation labellisée “Vignerons Indépendants”.  Ce qui signifie que Murielle et son frère contrôlent toute la chaîne de production, de la vigne à la commercialisation des bouteilles. Et pour la marque de Champagne Michel Faÿ créée par leur père,  la chute des ventes de champagne qui se confirme de mois en mois ne se fait pas sentir. 

L’IMAGINATION AU POUVOIR 

“Je compense la baisse des ventes ambiante par des cuvées innovantes” explique Murielle : Cuvée Jean de Lafontaine pour les 400 ans de la naissance de l’enfant de Château Thierry, Cuvée 1539 pour l’inauguration de la Cité Internationale de la Langue Française à Villers Cotteret, Cuvée des Jeux Olympiques… Le pinot meunier, cépage omniprésent sur ce vignoble de l’Aisne a longtemps été considéré comme le canard noir des raisins  de champagne. “On venait le chercher pour faire du volume, quand on manquait d’approvisionnement”. Une cuvée extra brut pur meunier de la vigneronne de Barzy rend  désormais ses lettres de noblesse à ces raisins noirs autrefois sous estimés. “Parce que nos coteaux plein sud nous donnent un champagne très fruité. Même chose pour le chardonnay qui couvre désormais un quart de nos vignes. Ce vin très atypique est particulièrement apprécié des amateurs.” Et tous les moyens sont bons pour raconter sa passion : les salons, les foires… et les chambres d’hôtes. Car bien avant que l’oenotourisme ne soit préconisé pour favoriser le développement de la Champagne, Murielle Faÿ a compris qu’il permettait de créer des liens durables et plaisants avec sa clientèle.    

“VIVEMENT LA MACHINE À VENDANGER”  

On l’aura compris, l’hyperactivité est ici un mode de vie. Elle s’accommode mal des difficultés récurrentes auxquelles les vignerons sont confrontés pour l’organisation de leurs vendanges. Les cueilleurs de la maison Michel Faÿ sont nourris, logés, pour une rémunération quotidienne qui tourne autour de 100 euros par jour. “On va les chercher jusqu’à Lille ou dans les Ardennes, et malgré ça, ils  peuvent vous lâcher au bout d’une journée, quand ils ne vous ont pas fait faux bon à la dernière minute. Pas étonnant que des prestataires peu scrupuleux  profitent de notre calvaire pour se faufiler dans la brèche, sans états d’âme”. Il n’est évidemment pas question d’excuser les drames qu’on a vécus l’an passé, avec 5 décès de vendangeurs, plus ou moins liés aux conditions de travail. Mais d’année en année, le problème devient  ingérable, déplore Murielle Faÿ. “Alors, vivement la machine à vendanger, peut-être pas sur tous les cépages,  parce qu’elle risque d’abîmer la pellicule des raisins noirs, mais il faut absolument y travailler.”

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

You May Also Like