La Cour d’Assises de la Marne a condamné les deux frères Simao à des peines de 15 et 12 ans pour tentative de meurtre et violences aggravées. C’était à Reims dans la nuit du 19 au 20 Aout 2020 dans le quartier des Châtillons. Les accusés s’étaient manifestés un jour plus tôt en défonçant la belle Mercédès du frère de la victime. La suite devait se limiter à une explication. C’est ce qu’affirment ces hommes qui ne sont plus tout à fait des jeunes des quartiers. Mais on ne saura pas tout. En tirant une balle dans la colonne vertébrale de Lyes Boukrina ce soir là, Gerson Simao n’a pas seulement détruit la vie de ce père de 42 ans, désormais paraplégique. Il a aussi dévasté deux familles, celle de la victime et la sienne.
“C’était un mauvais choix” admet Yassine à la barre. Le demi frère de Lyes Boukrina regrette d’avoir voulu demander des comptes aux frères Simao ce soir-là. La veille, il les a vus massacrer sa voiture à coups de marteau, selon lui, sans motif. La Mercedes était garée devant le domicile de sa belle-mère. Il venait de lui confier ses jumeaux, d’un an à peine. En sortant, il a trouvé les accusés en pleine action. Il dit avoir eu vraiment trés peur. Il a pris la fuite.
UN UNIVERS IMPÉNÉTRABLE
Voilà pourquoi ils ont été quelques-uns, dont Lyes Boukrina, à se déplacer aux Châtillons le lendemain soir, après avoir suivi un match de foot dans les locaux d’une association du quartier Croix Rouge. Cette descente en pleine nuit devait leur permettre de “s’expliquer”, rien de plus. On essaiera de le croire. Yassine reconnaît qu’il a caché une barre d’altère dans sa manche. Mais les conditions de cette expédition restent aussi floues que le nombre exact de participants : cinq selon les intéressés, une dizaine selon les témoins. Une habitante du quartier, dont le récit a été très précis après les faits, vient soutenir à la barre qu’à son âge avancé elle ne se souvient de rien, et pour finir …qu’elle a peur des représailles. On ne saura pas davantage qui est allé hurler derrière la porte de la famille Simao pour faire sortir les deux frères , en se faisant passer pour la police. Ils ont fui par le balcon. Ils étaient armés.
UNE VIOLENCE SANS LIMITE
“Bande de fils de pute, vous êtes morts ! » Après cet avertissement explicite, le 7.65 de Gerson Simao fait son œuvre. Trois balles sont tirées. Tout le monde détale, mais Lyes Boukrina est touché. Les policiers le retrouveront « allongé sous un véhicule, porteur d’un orifice au niveau de la colonne vertébrale. Des plaies ressemblant à des coups de couteau dans le bas du dos.» La main gauche est broyée. L’arrière du crâne saigne aussi. La batte de base-ball a frappé si fort qu’elle est cassée. Lyes est persuadé qu’ils voulaient l’achever. Les cicatrices zèbrent encore son crâne rasé. “ On aurait pu ne pas y aller, commente Yassine. C’est bête de ma part, je sais. Je me pose la question tous les jours. Et se tournant vers son demi-frère : “C’est fini pour lui !”… «Presque ! » rectifie l’intéressé depuis son fauteuil roulant. La fille et la mère s’effondrent. Cette somme de douleur est un des rares moment d’authenticité de ce procès.
Car beaucoup de vérité n’ont pas été dites
LYES… ET JESSICA
Jessica, la compagne de Lyess est devenue sa soignante. Elle se dit épuisée. Le récit de leur nouvelle vie pétrifie le jury. «Je ne sais pas si j’aurais accepté d’être en situation de handicap comme lui.» Leur relation reste très forte, mais elle ne sera plus jamais la même. Ils s’admirent encore, on le devine. La beauté de leurs personnes et de leur couple demeure, mais elle est abimée. “J’aimais plaire, j’étais sportif» dit-il. Les relations charnelles leurs manquent, ils ont besoin de le dire explicitement, chacun à leur tour. “Nous n’aurons plus d’enfant” dit encore Jessica. Ils vivaient dans un pavillon à Mutigny. Lyes avait un emploi chez Moët et Chandon. L’avenir était prometteur. « Notre fille est détruite par le handicap de son père, tout comme mon fils qu’il élève depuis qu’il a un an.» Ma fille s’occupe de personnes handicapées. Ils ont arrêté leurs études tous les deux. Ils vont partir ailleurs pour les reprendre et peut-être tourner la page. Les dégâts sont lourds, et le motif si futile … en apparence.
LA FAMILLE SIMAO DANS LA TOURMENTE
Les accusés ont nié les faits jusqu’au début de leur procés. Les débats ont rappelé leur délinquance antérieure, marquée par l’agression gratuite et particulièrement violente en 2018 d’un basketteur, moniteur sportif à Croix Rouge. Les frères Simao ont été condamnés. D’autres, dont un des participants à la «descente» de cette triste nuit, ont été relaxés. Faut-il y trouver une explication à leur haine du quartier Croix Rouge ? D’autant qu’ils avaient dû le quitter quand l’appartement familial a été la cible de tirs à balles. «On a grandi ensemble» ont fait remarquer plusieurs des protagonistes de cette soirée maudite. Mais il faut surtout comprendre que la rancoeur est ancienne. Le père des accusés rappelle que sa famille a fui l’Angola, où il était inspecteur de police, pour des raisons politiques. Cet homme bien inséré enjolive le parcours de ses fils. Ils n’auraient pas eu de problèmes , selon lui, sans ces mauvaises fréquentations. Son épouse suit les débats, mais elle voudrait rentrer sous terre. Leur fille n’ose même pas se tourner vers le box pour regarder ses frères. Elle tente de lancer un appel à la paix en se tournant bien maladroitement vers la victime. Le but ne sera pas facile à atteindre.
