Le « Single Barrel » de Julien Launois est un concept de champagne personnalisé inédit. Il s’agit d’un fût unique gravé au nom de son propriétaire et dans lequel le vin est élaboré, vieilli et dosé à son goût, trés exactement. Le vigneron du Mesnil-sur-Oger s’est lancé voilà une année sans imaginer que le succès serait si vite au rendez-vous*. Les connaisseurs, de riches connaisseurs, sont déja sur liste d’attente pour faire partie des heureux destinataires de ces champagnes sur mesure qui n’appartiendront qu’à eux. Le tonnelier Jérôme Viard contribue à l’écriture de ces histoires particulières : c’est lui qui fabrique les fûts, chauffant et travaillant le bois à la demande, pour marquer la cuvée d’une empreinte subtile et conforme aux souhaits de ces amateurs éclairés.
L’histoire d’amour entre le fou de champagne et son single barrel commence chez Julien Launois avec la dégustation des vins clairs, juste aprés la première fermentation du raisin. Les experts sont capables d’imaginer ce qu’il deviendront en vieillissant et c’est ce qui détermine traditionnellement les assemblages entre des crus, des parcelles, et des années différentes. Cette particularité champenoise garantit la qualité et la constance d’un champagne. Les jeunes vignerons sont pourtant de plus en plus nombreux à élaborer des vins issus d’une parcelle unique pour valoriser la spécificité d’un terroir et d’une année. Julien Launois est de ceux là. Il s’est aussi intéressé de trés près au vieillissement en fûts de chêne avec la complicité du tonnelier Jérôme Viard. Ainsi lui est venue l’idée de proposer des fûts dédiés à des clients suffisamment fortunés pour capitaliser sur une cuvée dont ils pourront suivre l’évolution, avant d’en consommer quelques 216 bouteilles aprés 3 ou 4 années de patience. Vieillies en Champagne elles attendront le moment où ils choisiront de les boire. Mais ils auront d’abord suivi et même orienté l’élaboration du vin par le vigneron.
UNE RECHERCHE OENOLOGIIQUE
Dans ce cheminement, le rôle du tonnelier est capital. « Jérôme fabrique les fûts à partir de douelles de chêne séchées dehors pendant plus de 50 mois ce qui permet une vinification complexe malgré la jeunesse du bois. « Le fût ne doit pas modifier le vin, ni l’embellir. Il doit le révéler ». C’est le credo d’un artisan pour qui la chauffe des barriques, véritable cuisson œnologique, n’a pas de secrets. Il sait éliminer les tanins acerbes et asséchants du bois ou lui faire exhaler des arômes subtils, viennoiserie, croûte de pain, qui conviennent bien au chardonnay. A moins d’aller vers des caramels ou des cafés grillés…Mais ça ne convient pas à tous les vins. C’est tout le talent du vigneron ». De ce respect mutuel naissent ces cuvées confidentielles haut de gamme, des vins gastronomiques qui acompagnent les viandes blanches à merveille et même les fromages.
Les single barrels de Julien Launois sont au nombre de 6 cette année, 6 fûts pour des chauffes plus ou moins fortes qui opèrent, dit il, comme une magie sur les vins. « J’espère qu’on ne me classera pas dans les curiosités marketing et que les clients seront surtout motivés par une curiosité œnologique, même si certains y chercheront une occasion de se montrer. A terme on proposera une gamme d’une vingtaine de fûts différents par an en combinant les parcelles avec les différentes chauffes de Jérôme. On pourrait faire plus, mais ce serait au détriment de la recherche. » Quelques bouteilles seront mises de côté pour chacune des cuvées. Elles enrichiront la vinothèque de la maison,
TOUT VA PLUS VITE QUE JE NE LE PENSAIS
Trois de ces premiers tonneaux ont déja trouvé leur propriétaire, au prix de 60 euros la bouteille hors taxe. Les clubs d’amateurs de vins sont interesés, les croisières Viking Cruises aussi. Le premier acheteur est un importateur hollandais. « Je ne le connaissais pas. J’ai vu une plaque étrangère dans la rue je me suis dit que je pouvais le renseigner. On a parlé, il a eu envie de goûter mes vins. Ca l’a emballé. Il est revenu avec un importateur Russe dont la fille fait le même métier à Hong Kong. Un coup de chance. » A moins que ce ne soit l’art de forcer le destin. Julien Launois avait vingt ans quand il a quitté sa Champagne natale pour aller voir ailleurs. De ces dix années à parcourir le monde il a rapporté une parfaite maitrise, peu commune chez les vignerons, des langues étrangères , et surtout une insatiable curiosité. « Il faut fouiller dans le cahier des charges de l’appellation champagne pour sortir des idées comme celle-ci sans se cantonner au savoir faire de nos prédécesseurs. » Et il ne faut pas ménager sa peine : les chambres d’hôtes au cœur de la maison de champagne du Mesnil-sur-Oger aident à créer des liens.
* DROIT DE SUITE
Un an plus tard Julien Launois a vendu ses Single Barrels à une dizaine de clients dans le monde : Pays Bas, Suède, Russie, Oregon, Californie, Japon…Le vigneron du Mesnil-sur-Oger élargira sa production à une vingtaine de fûts, pas plus, en y apportant les raisins d’une seconde parcelle.