Sylvain Dromard comparait en appel devant les Assises de l’Aube pour l’assassinat de son épouse. Il a toujours nié ce crime dont il accuse son ex maîtresse, jugée pour complicité. À la veille de la clôture de son procès, le mari de la coiffeuse de Saint Martin d’Ablois a voulu jouer une dernière carte en affirmant qu’il avait été muselé par Murielle Bonin : elle l’avait menacé de tuer ses filles s’il la dénonçait . Mais cette fois ses accusations l’ont précipité dans l’incohérence, achevant le portrait d’un homme très dérangeant , souvent abject et rarement sensible.
Au 7ème jour de son procès, Sylvain Dromard a donc choisi de livrer sa vérité à la stupéfaction générale, y compris de son avocate. Ce soir du 15 Juillet 2010 il aurait vu sa maîtresse d’alors sortir de chez lui en compagnie de son frère Thierry, décédé depuis. Son épouse Laurence venait d’être sauvagement frappée en pleine face d’une dizaine de coups de batte de base ball. Tachée de sang, la tête coiffée d’une perruque brune, Murielle Bonin lui aurait promis de faire tuer ses filles s’il la dénonçait. À elle d’aller cacher l’arme du crime dans le plafond de son atelier, à lui de la brûler un peu plus tard. Et pour donner corps à la thèse du contrat qui pesait sur la tête de ses filles, puisqu’il avait parlé, Sylvain Dromard a surjoué l’inquiétude parce que Chloé, la cadette, n’était pas dans la salle. L’effet de sidération n’a pas résisté longtemps au raisonnement de la Cour et de l’avocat de Murielle Bonin. Pourquoi avait-t-il -il laissé filer des assassins qu’il aurait pu maîtriser sans difficulté ? Comment Murielle Bonin avait-elle pu se déplacer en plein jour et couverte de sang dans les rues du village ? Pourquoi avait-t-il si facilement accepté de faire disparaître l’arme qui l’aurait confondue ? Et comment avait-t-il pu poursuivre ses relations sexuelles avec celle qui avait tué son épouse ? Le coup de théâtre a surtout porté un coup à la défense de Sylvain Dromard et l’audience a repris son cours. Interrogé un peu plus tard par la présidente, l’expert psychologue Jean Luc Ployé à estimé qu’il s’agissait bien là d’une manipulation théâtralisée.
ENTRE SOUFFRANCE ET PASSION
Hugues Collin, l’expert psychiatre, a pointé quant à lui le prosélytisme pour la polygamie d’un Sylvain Dromard imbu de sa personne. « Il a plusieurs maîtresses dont il parle en terme peu affectueux. » Murielle Bonin bénéficie d’un attachement particulier, plus durable peut être parce qu’elle est le « meilleur trois trous qu’il ait connu. » Si ces mots insoutenables ressurgissent dans les débats, c’est parce que Sylvain Dromard les a prononcés dans les trois entretiens qu’il a eu avec l’expert, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait avec les gendarmes pendant sa garde à vue. Sur la question de savoir qui des deux amants dominait l’autre, les experts ne tranchent pas, et Jean Luc Ployé n’exclut pas que Murielle Bonin ait été la manipulatrice. « Mais elle a été fascinée, dit Hugues Collin, qu’il ait pu gérer un acte aussi grave sans le moindre remord. » Il a commis ce crime pour la garder ce qui explique les lettres enflammées qu’elle a pu lui adresser par la suite. « Elle est éblouie par cet acte qui la dépasse, mais elle est finalement soulagée par son arrestation qui lui permet de se délivrer de son secret », dit encore l’expert. Interrogée dans la foulée sur sa vie en détention, Murielle Bonin explique qu’elle s’y est adaptée grâce à l’homme qu’elle a rencontré alors quelle n’était pas encore incarcérée. Il s’est installé dans une caravane à Epernay pour ne manquer aucun parloir. « Il me soutient, il m’aime, il est fidèle. » Elle finit dans les sanglots en regrettant de l’avoir rencontré si tard. Pour Sylvain Dromard la détention n’est que douleur, physique et morale, loin de « ses deux filles adorées. »
LE BONHEUR, OU PRESQUE
Clarisse, la plus âgée, a tenu à venir parler de sa famille devant la Cour. « Nous avons eu une enfance formidable, des parents aimants, présents qui nous protégeaient. Le jour où maman est partie on ne l’a pas cru parce qu’on venait de vivre 4 jours exceptionnels. Mes parents avaient dansé ensemble à la fête du village. Depuis que Papa avait quitté « Bonin » -c’est ainsi qu’elle la nomme- on l’avait retrouvé. Il n’était plus obligé de partir dès qu’elle l’appelait. » Elle tient à faire passer la photo d’une mère souriante avec ses deux filles. L’image d’une famille heureuse. Et puis elle quitte l’audience. Elle n’entendra pas les terribles accusations qui vont suivre. La présidente fait lire le témoignage d’un codétenu à qui Sylvain Dromard a fait des confidences. Il détaille les coups de batte de base ball en pleine face avant un aller retour ostensible à Epernay pour se fabriquer un alibi. Le regard insistant de Laurence Dromard quand il revient, parce qu’elle n’est pas morte, les torchons appliqués sur la bouche pour l’achever…avant d’alerter les secours sur « un cambriolage qui a mal tourné. » C’est exactement le récit qu’avait fait Murielle Bonin quand elle a dénoncé son amant aprés 48 heures de garde à vue.
EPILOGUE : Condamné en appel à 30 ans de réclusions criminelle, Sylvain Dromard a été retrouvé mort dans sa cellule de Châlons en Champagne le 19 Mars 2018. Les analyses toxicologiques indiquent qu’il s’est suicidé comme il l’avait d’ailleurs annoncé. Aprés une première tentative, aussitôt aprés sa condamnation en appel Sylvain Dromard a su cette fois stocker les antidépresseurs qui lui étaient prescrits au quotidien en ne les consommant pas. Jusqu’à en accumuler une quantité suffisante pour se donner la mort en les ingérant en une seule fois.