NEOMA est une école de commerce prestigieuse. On y forme les élites de demain avec une efficacité qui force le respect. On pourrait s’attendre à ce que le sexisme ou les atteintes sexuelles, ne trouvent pas leur place sur ce campus rémois. Au bout de 6 ans, la croisade féministe de l’association He for She reste pourtant nécessaire, faisant la preuve qu’il y a encore beaucoup à faire.
Emmanuelle Muffat est la sixième présidente de l’antenne He For She à Neoma Reims. Elle explique que le besoin de créer cette association s’est fait sentir par rapport à un sexisme ambiant en école de commerce. Informer les étudiants sur les problématiques liées au sexisme est apparu indispensable. “On s’est rendu compte que sur les écoles de commerces pouvaient exister des traditions sexistes, voire un peu violentes quand on parle de bizutage par exemple, et que le sexisme pouvait être banalisé et normalisé, sans même que les étudiants en soient conscients. Et c’est toujours d’actualité aujourd’hui.”
DES AGRESSIONS SEXUELLES BANALISÉES
Comme dans d’autres écoles, des étudiantes de Neoma ont été victimes de ces comportements. Elles ne sont pas rares. Leurs témoignages, qui veulent rester anonymes, font état de gestes très insistants, utilisant la force, et qu’il faut bien appeler des agressions sexuelles. Il en reste parfois des traces physiques, mais surtout psychologiques. Bien plus traumatisant qu’un hématome est le sentiment d’avoir été dominée, trompée à la faveur d’une soirée d’étudiants par le copain dont on ne se méfiait pas. Même quand l’expérience de ces élèves se limite à quelques baisers forcés, leur parole s’exprime toujours avec beaucoup d’émotion. Elle reprend tous les stéréotypes du récit des femmes qui ont été abusées : le sentiment d’avoir été salie, la peur du moindre contact physique, la panique qui les saisit quand elles croisent leur agresseur, et surtout leur dépit, leur colère face à celui qui continue à vivre sereinement sans se remettre en question.
DES VICTIMES SILENCIEUSES
Que peut faire l’association He For She dans ces situations ? Rien, si ces expériences douloureuses ne lui sont pas rapportées par les étudiantes. Car sur un campus plus encore qu’ailleurs la parole des victimes a du mal à se libérer. Là encore, tous les témoignage se ressemblent : il faut du courage pour dénoncer le canard noir d’une communauté dont la force s’affiche dans l’union. Et même si les séquelles ne se dissipent pas, la solution de facilité c’est de faire comme si rien ne s’était passé. Silence étrange pour qui n’a pas vécu cette expérience, d’autant qu’He For She est à portée de parole. “ Notre porte est toujours ouverte. Très peu d’écoles font quelque chose, dit Emmanuelle Muffat. Nous on a la chance d’en parler, on est en avance. Aujourd’hui si les faits sont dénoncés par une victime on l’oriente vers la direction de Neoma si elle le souhaite ou vers des organismes extérieurs. Notre rôle est d’informer.” Rappeler par exemple qu’un baiser forcé est une agression sexuelle, et que celle qui le subit est une victime.
CONTRE LE SEXISME, UN TRAVAIL DE FOND
Selon Emmanuelle Muffat, la plupart des étudiants concernés ne se rendraient même pas compte que leur comportement est problématique. He For She s’est donné pour mission de le leur faire comprendre. A eux de faire leur chemin, long chemin décidément. Les étudiants arrivent avec l’éducation sexiste et les stéréotypes de genre qu’on leur a inculqués. Après 6 années de présence l’association féministe reste confrontée aux comportements arrogants de certains. «Ils ont le sentiment d’être les rois du monde » dit Emmanuelle Muffat quand ils intègrent une école prestigieuse. Assez peu remises en question, les soirées trés arrosées favorisent les dérapages. Elle désinhibent les participants, et les réveils peuvent être douloureux…surtout pour les filles. “C’est pareil dans beaucoup d’écoles, commente Emmanuelle Muffat. Moi je ne gère pas les soirées. Je reste dans un rôle informatif. On est là pour expliquer que c’est problématique. Il faut le répéter plusieurs fois pour que ça rentre. La pédagogie, c’est ça. La très grand majorité des étudiants pense que c’est utile.”
*He For She est le nom d’une campagne de solidarité pour l’égalité des sexes lancée en 2014 par l’ONU Femmes.
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