La Cour d’Assise de la Marne a condamné Rudy Pacault a à 15 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Peggy Koszinzuk. Il l’a frappée de 20 coups de couteau le 28 Juillet 2011. L’accusé a toujours reconnu les faits, tout en affirmant qu’il n’en n’avait aucun souvenir. Les jurés ont estimé que son jugement était altéré au moment du crime. Mais pas aboli comme l’a plaidé son avocat pour réclamer son acquittement.
Quand le gendarme arrive sur les lieux du drame, à Couvrot dans la Marne, Rudy Pacault tient sa petite fille de 5 ans dans les bras. Il dit : ”j’ai tué ma femme, c’est là-haut que ça se passe.” Au premier étage gît le corps ensanglanté de Peggy Koscinzuk. Dans une des chambres voisines, son fils de 10 ans est caché sous sa couette, à 5 mètres du corps de sa mère. “Il simulait un endormissement très profond. J’ai reposé la couette sans lui parler” souffle le gendarme.
SCÈNE D’HORREUR
Au rez-de-chaussée, la mère de Peggy est en état de choc. Elle ne sait pas encore que sa fille est morte. Philippe Algisi, son mari, lui a demandé de se réfugier chez les voisins pour échapper à la furie de Rudy Pacault. Il brandissait un couteau de cuisine en criant “je vais vous tuer tous les trois, c’est vous que je dois tuer”. Peggy a hurlé quand il a d’abord tenté de l’égorger dans leur lit. Elle était blessée, elle perdait du sang. Mais elle a trouvé la force de venir sur le palier pour l’empêcher de frapper sa mère. Alors le couteau s’est abattu sur elle, violemment, à 20 reprises. Les plaies de l’aorte et des poumons ont été mortelles. Dix ans plus tard, c’est une mère dévastée qui dépose à la barre. “Elle a voulu me protéger, c’est pour ça qu’elle est morte.” Les sanglots couvrent les mots.
UNE RECONSTRUCTION DIFFICILE
Les grands-parents ont pris les enfants en charge quand ils ont perdu leur mère. “Ce n’est pas facile tous les jours, dit la grand-mère, mais je les aime énormément.” Il y a beaucoup d’amour et de courage, pourtant la douleur est palpable chez les parents, les frères et sœurs. La fille de Peggy a 15 ans. Avec son frère qui est aujourd’hui majeur, elle assiste au procès de bout en bout. Ils n’ont jamais voulu revoir leur père jusqu’ici. Comme tous ceux qui suivent le procès, ils veulent comprendre cet homme qui reste un mystère. La longueur de la procédure lui a valu de sortir de prison 14 mois après son crime.
Lire aussi : Un premier procès renvoyé
Il est assis sur le banc des accusés, impassible, sans un geste, comme s’il était étranger aux débats.
QUI EST CET HOMME ?
Maitre Kadiyogo, l’avocate de sa fille, l’interpelle. “Votre fille m’a posé une question. Je n’ai pas su y répondre. Elle se demande pourquoi vous n’avez pas porté un seul regard sur elle depuis le début de l’audience? Elle ne m’a pas vu, mais je l’ai regardée plusieurs fois.” Peut-être a-t-on alors perçu un léger tremblement dans la voix de cet homme de 49 ans. Rudy Pacault vit à Reims de son métier de chauffeur routier. Il était déjà livreur quand Peggy Koszinzuk l’employait dans l’entreprise familiale qu’elle dirigeait. Il était grassement payé par la société SFM , établie dans le Nord de la France. On y fabriquait des sièges d’ameublement. Aujourd’hui, il partage sa vie avec celle dont on a pu dire qu’elle était déjà sa maîtresse au moment du drame. Peggy Girardin est originaire, comme lui, de Vitry-le-François. Il se sont fréquentés très jeunes. Sous les yeux des enfants qui pleurent leur mère, elle lui apporte tout son soutien pendant les débats.
POURQUOI A-T-IL TUÉ PEGGY ?
Quand la Présidente veut comprendre ce qui l’a poussé au crime, sa réponse est plus déroutante que jamais. “Je sais pas quoi dire. J’aime encore ma femme. Je peux plus l’avoir près de moi, mais j’aime encore ma femme.” “Et ce n’est pas trop compliqué demande Sébastien Buzy -il est l’avocat des parents- de refaire votre vie avec une femme qui porte le même prénom que la mère de vos enfants ? Non.” La réponse tombe sans état-d’âme. Rudy Pacault est tel que le décrivent tous ceux qui l’ont approché. “Détaché de toute émotion…incapable de restituer ses pensées… froideur émotionnelle… neutralité exessive…” L’interessé ne dément pas. “Mes émotions, dit-il, je les garde pour moi.” Est-ce pour cette raison qu’il occulte totalement les difficultés de son couple avant qu’il ne tue sa compagne ?
HALLUCINATIONS ET DÉBAT D’EXPERT
Rudy Pacault était en dépression au moment des faits. L’incendie de l’entreprise SMF l’avait mis au chômage. Plusieurs témoins ont rapporté des comportements étranges de l’accusé. Il pouvait prendre sa belle sœur pour une pizza, voir des loups dans le jardin, des terriers de lapin dans le salon. Le professeur Zagury, sommité de l’expertise psychiatrique, attache une grande importance à ces hallucinations. Elles sont, selon lui, “le signe d’un état très particulier.” Il penche pour un épisode de confusion onirique au moment des faits. Mais il n’exclut pas une abolition totale du discernement. C’est aussi l’analyse de la psychiatre Anne Breton qui a été la première à examiner Rudy Pacault. Elle insiste sur les effets imprévisibles des antidépresseurs associés à l’alcool. Le couple rentrait d’une soirée chez des amis. Ils avaient été reçus par Peggy Girardin et son compagnon d’alors
AMNÉSIE SÉLECTIVE
Mais un autre expert , le docteur Jean-François, est sceptique. L’accusé a été reçu en psychiatrie la veille des faits, parce que Peggy Koscinzuck s’inquiétait de ses troubles. Les médecins n’ont rien trouvé. Tout comme la mère de Peggy et sa soeur Elodie, le psychiatre ne trouve pas de preuve objective des hallucinations de l’accusé. Son amnésie est, selon lui, une stratégie de défense. Elle lui permet de ne pas se remettre en cause, de se protéger. Elle lui évite de travailler sur sa culpabilité. “L’amnésique cherche à savoir, il est en quête de ses souvenirs, pas lui” dit encore l’expert. “Il se souvient, avant ,après, et rien au milieu. Donc je ne crois pas à l’amnésie,” renchérit Maître Buzy. La présidente s’est étonnée elle aussi de la mémoire fluctuante de Rudy Pacault. “J’ai entendu, sur-entendu. Je ne sais plus si je me souviens ou pas.” L’Avocate Générale a requis 20 ans de réclusion. Les jurés se sont prononcés pour une altération de son discernement quand il a frappé. Il est condamné à une peine de 15 ans. Il est par ailleurs déchu de son autorité parentale.