RSE, comme Responsabilité Societale des Entreprises. Un label de plus pour certains. Une réalité concrète pour Sabrina Pasté Gaudinat. Cofondatrice, avec son mari, de la marque de Champagne Saint Philibert, elle pratiquait la RSE sans le savoir : le respect de l’humain et de la nature est une philosophie qu’elle met en pratique depuis toujours. L’exploitation viticole de Festigny est aujourd’hui la première en Champagne à recevoir cette double labellisation RSE Vigneron Engagé.
«Quand je suis arrivée ici, j’ai dit, je veux faire bouger les lignes.» Fille d’agriculteur, Sabrina Pasté est entrée dans le monde viticole en épousant Tony Gaudinat. Deux enfants de 5 et 7 ans sont nés de leur union, mais ils se sont aussi trouvés dans la même conception d’une viticulture responsable et humaine. « Mon mari a été parmi les premiers à enherber. Il était aux antipodes du désherbant chimique.
REVENIR AUX VRAIES VALEURS
Tony Gaudinat représente la neuvième génération de la lignée familiale qui exploite ses vignes à Festigny. Le couple a créé la marque Saint Philibert il y a 3 ans. 13 Hectares, 8 salariés, des femmes en majorité. « Sans le faire exprès,commente Sabrina. Mais mon mari dit toujours que les femmes se démènent beaucoup plus parce qu’elles ont besoin de prouver leur efficacité au travail. » Sabrina n’a d’ailleurs pas attendu son label RSE pour faciliter la vie professionnelle de ses employés. « L’enfant d’une de nos salariées a des difficultés, il ne peut pas rester seul et elle n’avait personne pour assurer sa prise en charge en dehors de l’école. Elle était sur le point d’arrêter. On lui a proposé des horaires flexibles, adaptés à ses contraintes familiales particulières. Il faut vraiment revenir aux vraies valeurs.» Avant, les grand parents gardaient les petits enfants, c’est moins le cas aujourd’hui. « C’est à nous de concilier le personnel et le professionnel. Le monde de l’entreprise doit s’adapter. Les patrons ont des efforts à faire, et les salariés aussi pour s’élever vers le haut. »
DE LA VIGNE AU VERRE
Sur l’exploitation de Festigny,comme ailleurs, la période très particulière du COVID a été l’occasion de faire un point. Beaucoup de choses ont été faites au niveau environnemental grâce à l’accompagnement de l’interprofession (SGV et CIVC). « Nous étions donc certifiés HVE (Haute Valeur Environnementale), et VDC (Viticulture Durable en Champagne). Mais plus rien par contre dès qu’on arrive au pressoir. Je me suis dit, ce n’est pas possible. Il faut travailler sur une démarche globale, de la vigne au verre. Un ami m’a dit : Sabrina tu es dans une démarche RSE. C’est quoi ? C’est travailler sur tous les piliers du développement durable. Je pense que beaucoup de gens sont dans la même réflexion. Mais avec la peur d’un carcan. Ils ont tort. » La démarche consiste faire un inventaire du fonctionnement de l’entreprise. : qu’est-ce qu’on fait de bien, ou pas…et comment faire mieux ? Marion Robin Renoux, une consultante, a aidé le couple à se poser les bonnes questions. Pourquoi l’entreprise existe, pourquoi je travaille, pourquoi je veux protéger l’environnement, qu’est ce que je veux transmettre ?
UN CHAMP DE PROGRESSION ILLIMITÉ
La réflexion s’est faite d’abord avec les dirigeants et ensuite en ateliers avec les salariés. Le management participatif a permis d’améliorer les conditions de travail. « C’est quoi un salaire correct ? Ici il est indexé sur l’inflation avec une augmentation de 8% par an pour nos salariés. » Cerise sur le gâteau, la journée d’anniversaire de chaque collaborateur lui est offerte. Il a fallu comprendre aussi pourquoi certains salariés ne restaient pas. Réponse : « on n’est pas que des bras. On veut être formés à d’autres choses, aux bonnes pratiques.» Il faut donc donner du sens aux métiers, développer le management participatif, intégrer les équipes à la réflexion quand on fait un nouvel investissement. « On reste des entreprises qui polluent forcément en produisant. Par contre, il y a des choses à améliorer. Les fournisseurs ont aussi été embarqués dans la démarche.» Les emballages, les muselets les étiquettes, tout était livré en cartons. Les décaisseurs réutilisables les ont remplacés. Sabrina se souvient de moments magnifiques qui ont renforcé les liens entre tous les acteurs.
VALORISER LES MÉTIERS
Pour la vigneronne de Festigny, la compétence est un bien précieux, il faut la valoriser. Le métier de remueur est un bon exemple. « Chez Bollinger, ils ont maintenu ce savoir-faire, c’est vraiment important . Avec mes salariés on a réfléchi à des formations adaptées. La taille de la vigne, ok, mais aussi leur bien-être. Parce que faire du yoga, travailler sur soi c’est aussi bénéfique au travail. La vigne c’est dur, il faut y aller par tous les temps, une vraie compétence.» Festigny est, on le sait, très touché par le fléau de la flavescence dorée. Il a fallu arracher 5 hectares de vignes. « C’est très grave. Si vous n’avez pas une formation propre à la Champagne, vous ne faites pas la différence entre un bois noir et un bois malade. C’est le cas des prestataires. Moi, mes ouvriers viticoles sont des techniciens. Je trouve que ces salariés devraient entrer dans le classement UNESCO. »
LA RSE… MAIS ENCORE
Pour Sabrina Paste, le label RSE Vigneron Engagé n’est pas une fin en soi. Cette fille d’agriculteur n’a pas eu la possibilité de reprendre l’exploitation de ses parents. » Je me pose énormément de questions. Le Mercosur favorise les importationsqualitativememnt très discutables, et les producteurs français sont obligés d’arrêter parce qu’on ne les rémunère pas. » La jeune femme s’est donc donné pour mission de valoriser la production agricole en créant un bar-restaurant pilote à Reims. Il s’agit d’un concept qui pourrait être développé en franchise plus tard. On y travaillera des produits locaux et saisonniers, en favorisant l’accueil des enfants, aussi bien ou mieux mieux qu’au Mac Do.Parce qu’ils sont souvent mal accueillis dans les restaurants traditionnels, et parce qu’ils sont les meilleurs ambassadeurs du bien manger. Un associé est déjà embarqué dans l’aventure. « On est deux grands bosseurs avec mon associé. Moi je suis sur le marketing et la communication, lui est juriste et économiste. Là, je travaille à 100% pour mon mari, donc ça va changer. Mais ce projet a du sens pour moi. Il y a une agriculture à sauver. »