SON NOM EST ROSALIE BOUCHER, CHEFFE PÂTISSIÈRE AU DOMAINE DES CRAYERES 

Sa formation scientifique a failli l’orienter vers d’autres carrières. Mais sa passion a été plus forte que tout : à 30 ans elle est devenue  la cheffe pâtissière du domaine des Crayeres de Reims. Depuis une année, quinze pâtissiers y travaillent sous ses ordres. Mais le mot convient mal à sa conception du management et de l’art pâtissier. Car la leçon de vie de Rosalie Boucher peut se résumer ainsi : du talent à revendre, mais surtout beaucoup de travail et d’humanité.  

Après la découverte d’un dessert nommé “Seigle des Ardennes”, la rencontre avec Rosalie Boucher devient une impérieuse nécessité. Sur la carte du Parc, le restaurant gastronomique du Domaine des Crayères, la création de la cheffe pâtissière est ainsi présentée : “caramel, praliné et sorbet au grué de cacao, crème anglaise au seigle torréfié”. Mais comment décrire cette fleur délicatement posée sur l’assiette ? Elle séduit l’œil autant que le palais. Pour évaluer cette performance pâtissière, il faut évidemment la déguster. Le récit  passionné de Rosalie Boucher ajoute à ce plaisir.

PLUS QU’UN CV, UN PALMARÈS  

Quand elle est arrivée au Domaine des Crayeres, voilà plus d’un an,  elle venait d’en passer 7 au Meurice. Elle est entrée dans les cuisines du palace parisien comme commis, jusqu’à se hisser au rang de sous cheffe de Cédric Grolet, parmi les 30 pâtissiers de la fameuse brigade. “ La brasserie, la boutique, le tour où se travaillent les pâtes… j’ai vraiment tout fait. L’avantage du palace, c’est qu’on touche à tout, depuis le pain perdu du petit déjeuner, le moelleux chocolat du room service, jusqu’à la pâtisserie fine. Passer des desserts du restaurant gastronomique à ceux du banquet de 200 couverts avec pièce montée, c’est vraiment très formateur ! “ Avant d’en arriver là, Rosalie Boucher a fait une incursion …en médecine. “J’étais très bonne dans les matières scientifiques mais là, je n’arrivais pas à m’y mettre.” L’envie pâtissière qu’elle avait enfouie pour faire une carrière à la hauteur de ses performances scolaires a ressurgi à ce moment-là. C’est le grand saut, de la fac de médecine à l’Ecole Nationale Supérieure de Pâtisserie de Jean Ducasse. La liste de ses tout premiers employeurs (ou maître de stage) est éloquente  : Frédéric Cassel, Pierre Hermé, Julien Dugourd, Claire Damon… 

CRÉER COMME ON RESPIRE  

”Ce poste de cheffe pâtissière au Domaine des Crayères est un rêve en soi, commente Rosalie Boucher parce que je peux m’éclater dans de nouveaux défis.”  Son dessert au seigle des Ardennes restera un an à la carte, mais elle essaiera de l’améliorer encore. Parce qu’une création n’est, dit-elle,  jamais aboutie.  “Et si on n‘y apporte aucun changement, elle vieillit après quelques années. C’est notre grande chance de pouvoir y revenir .” Quand le but est atteint, la question arrive très vite. “Et après” ? Chez  Rosalie Boucher,  le processus de création est toujours en marche. ” Tout le temps, tout le temps, dans ma douche ou avant de me coucher. J’aime bien construire mes desserts, oui, les construire, que les choses s’assemblent. Je suis obligée de les centrer. C’est comme ça que je fonctionne.”  Et la vraie vie, dans tout ça ? “Je suis un peu un ovni parce que je travaille beaucoup. Ma vie professionnelle est plus importante que ma vie privée. Reims n’est pas ma ville mais  je suis bien entourée, j’ai des bases solides. Mes parents, hoteliers-restaurateurs me soutiennent. J’échange beaucoup avec mon père qui est cuisinier.  Les loisirs ne me manquent pas. Peu de gens sont prêts à ce sacrifice. Mais cette maison a tellement de choses à offrir ! Je me satisfais des plaisirs qu’elle me donne.” Il paraît même que la simple vision d’une pâte à choux toute simple, mais à la texture parfaite, la remplit de bonheur.

UN MANAGEMENT SENSIBLE 

On allait l’oublier, être cheffe pâtissière, c’est aussi diriger. Et c’est un autre métier. Rosalie Boucher en est convaincue : sa sensibilité est un atout en la matière. “Je veux que personne n’oublie son rêve, son objectif de carrière.” Épaulée par Kanoka, sa sous cheffe japonaise,  elle se dit proche de ses équipes. Si elle se renouvelle régulièrement dans ses créations, c’est aussi parce que c’est  un moyen de faire découvrir de nouvelles tâches à ses collaborateurs. La création est un support pédagogique.  “C‘est stimulant pour moi et pour eux. Ça les fidélise. J’essaie de me renouveler pour qu’ils assimilent de nouvelles techniques. Dans une grande brigade, les personnalités sont différentes, on a tous les profils. Les gens vont plus ou moins vite, il y a ceux qui inventent et ceux qui reproduisent. Mais il faut que tout le monde soit dans le mouvement. Elle a vu Alain Ducasse ou Cédric Grolet  à l’œuvre. Ils passent plus de temps à gérer l’humain qu’à faire des gâteaux. “On est obligé de déléguer et de transmettre pour tirer les gens vers le haut. Je serai très fière qu’un jour ils utilisent ce qu’ils ont appris ici.”

  

 

 

 

  

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

You May Also Like