Quand il a été promu Directeur Départemental de la Sécurité Publique de la Marne en 2016, Joseph Merrien avait 51 ans. L’inspecteur de police qu’il était 25 ans plus tôt a donc tenu ses promesses, alternant les passages en “centrale”, comprenez à la Direction Centrale de la Sécurité Publique, et la pratique du terrain. A ceux qui saluent la qualité de son parcours, il répond qu’il a eu de la chance, et à voix plus basse, des facilités. 700 fonctionnaires de police travaillent aujourd’hui sous la responsabilité de Joseph Merrien.
Responsabilité, c’est un mot qui lui va bien. “Je ne les connais pas tous aussi bien que je connaissais les premières équipes que j’ai dirigées”. N’empêche : quand un de ses policiers est accusé de violences policières par un petit voyou, son soutien est indéfectible, malgré la condamnation de la justice en première instance, et jusqu’à la relaxe, finalement, en appel. “Cette affaire a été une grande leçon d’humilité et de technique parce que tout se jouait en moins de 4 secondes sur la vidéo de la garde à vue. J’aurais pu prendre du recul, mais j’étais convaincu que les poursuites méritaient une analyse très approfondie. » L’épisode a sans doute contribué à une cohésion de ses équipes. Elle se perçoit dès le premier coup de fil au Commissariat de Reims, quand il s’agit de décrocher un entretien avec le patron, et plus tard dans les couloirs du grand vaisseau qui surplombe les Basses Promenades : les hommes de Joseph Merrien sont avec lui parce qu’il les respecte, sans doute, mais aussi parce qu’il maîtrise parfaitement les règles du management.
LE SPORT
La recherche de la performance durable,la gestion du collectif et du particulier, l’exigence acceptée par chacun, toutes ces notions sont intégrées dans le logiciel de cet ancien sportif de haut niveau. Joseph Merrien, le cycliste, visait les plus hautes marches des podiums quand il était lycéen, mais ses parents ont refusé qu’il leurs sacrifie ses études. L’arrêt de la compétition a été un revers, il n’avait pas d’autre choix que de réussir pour compenser cette frustration. Après un parcours scientifique il s’oriente donc vers le droit, pour la rigueur. Et pour devenir commissaire de police comme ce voisin et ami qu’il a tant admiré tout au long de sa jeunesse toulonnaise. C’est ainsi : quand Joseph Merrien accepte de se raconter, le lien est omniprésent. Et quand il dit qu’il aime les gens, on est tenté de le croire. “ J’aime les gens ça veut dire ma famille mes proches, bien sûr, mais c’est surtout considérer les autres, s’attacher au respect de l’individu quel qu’il soit, y compris du délinquant.” Joseph Merrien s’inspire dans son management de l’engrenage complexe et fragile qui dans le sport collectif, propulse les équipes jusqu’au succès. “L’humain est au centre malgré le fonctionnement très technique, très hiérarchisé de la police. Il faut tenir compte des qualités, des défauts, et des limites de chacun, connaître les leviers de motivation. Le casse-pied n’aura pas droit à moins d’égards que les autres s’il est confrontée à des épreuves ”. La sécurité d’un territoire est donc l’affaire de la police mais avant tout, selon Joseph Merrien, une affaire d’hommes et de femmes.
LES STUPÉFIANTS
Dans la Marne, ils sont confrontés , comme partout ailleurs, aux difficultés de l’économie souterraine. Dans les quartiers défavorisés, la drogue est un levier de l’ascension sociale, bien plus rapide que le sport. Ce commerce n’est pas toujours loyal, d’où la nécessité d’avoir des armes pour se protéger.
« C’est un sujet majeur dans les villes du département, comme partout ailleurs, mais pas plus. Les zones de non droit n’existent pas ici, et les quartiers font l’objet des mesures classiques de la sécurité publique face à des dealers qui, c’est vrai, ont recours aux armes.” Mais pas question pour autant d’envisager la libéralisation du cannabis. “J’y suis totalement hostile, comme père de famille et comme fonctionnaire. Comment un gouvernement pourat-il faire entrer dans le champs de la légalité des produits stupéfiants dont on sait qu’ils sont nocifs ? L’alcool l’est aussi mais c’est un état de fait qui s’est imposé historiquement sur des millénaires. Tous les policiers vous le diront : ceux qui consomment des drogues dures sont d’abord passés par le cannabis. La majorité des ados s’y essaient, (7 sur 10), et c’est normal. Mais ils savent qu’ils sont dans l’illégalité, la transgression, et ces limites ne doivent pas être déplacées.”
LE DROIT
Sans doute Joseph Merrien aurait-il quelques difficultés à s’adapter à cette évolution de la législation s’il y était confronté, lui qui affirme qu’un bon policier doit se détacher de ce qu’il pense pour réaliser la mission que l’Etat lui confie. « Le policier est avant tout un républicain, il cherche à faire ce qu’on lui demande quelles que soient ses convictions, il se détache de ce qu’il pense pour remplir la mission qu’on lui confie.Il est un juriste pragmatique et polyvalent qui a un rôle social à jouer en régulant les rapports sociaux par l’application du droit. C’est d’ailleurs une divergence souvent revendiquée par les policiers avec les magistrats, qui selon eux sont parfois déconnectés du terrain, ce qui peut laisser trop de place à sa sensibilité personnelle. Nous n’avons pas tous la même perception de ce qu’est le droit.”
Joseph Merrien a mis du temps avant d’accepter cet échange, mais cela valait la peine d’attendre. Quand il n’a plus d’autre choix que de se faire tirer le portrait, il traîne des pieds. “Fierté mal placée, humilité de celui qui ne s’aime pas trop ? » C’est son commentaire, mais il ne sera pas question d’approfondir. Au mur du vaste bureau du commissaire général figurent quelques une de ses idoles : Sophie Marceau, dont il est fan, Raimu, pour le regard d’amitié sublime qu’il échange avec Panisse quand il joue César, et Jonny Wilkinson, le rugbyman qui a porté le Club de Toulon au plus haut. C’est avec lui qu’il choisit de partager la vedette sur le cliché. Toujours s’inspirer de la saga du sport !