RENDEMENT À TIROIR POUR LES VENDANGES EN CHAMPAGNE

Le rendement de la récolte est traditionnellement fixé en Champagne par les vignerons et les négociants, à un niveau qui permettra de compenser les sorties de bouteilles de l’année. Après de fortes tensions, il vient d’être fixé à 8000 kilos de raisins à l’hectare, soit l’équivalent de 230 millions de cols. Ce qui est bien au-dessus des ventes espérées en 2020.

La crise sanitaire est passée par là et elle continue à sévir. La Champagne n’est pas sûre d’expédier beaucoup plus de 200 millions de bouteille en 2020 (contre 300 l’an passé). Voilà pourquoi le rendement commercialisable de 8000 kilos salué comme un compromis louable, s’assorti cette année de quelques amménagements. Concrètement une partie du tirage des vins et du paiement des raisins par les maisons de champagne sera conditionné par les ventes à venir. Sur les 8000 kilos de raisins annoncés, le négoce ne paiera donc que 7000 kilos aux échéances habituelles de l’année 2021. Les 1000 kilos complémentaires ne seront tirés et payés qu’en 2022, à condition que les ventes atteignent 200 millions de bouteilles.
Ce dispositif aurait provoqué un thollé, s’il n’avait été complété d’une mesure spécifique pour les vignerons producteurs et de bouteilles . Ces “vignerons expéditeurs” comme on les appelle encore ont obtenu la possibilité de tirer l’ensemble de leur récolte dés 2021. Le seuil de rentabilité de ces exploitations là se situe en effet autour de 8500 kilos minimum. La Fédération des Vignerons Indépendants, dont les positions fédèrent bien plus que ses 500 adhérents, l’a vigoureusement rappellé dés le mois de Juin. Les Indépendants réclamaient tout simplement la fin du rendement unique en Champagne. Ce bras de fer s’est même soldé par leur rupture avec le Syndicat Général des Vignerons. Le compromis qui vient d’être signé en faveur des vignerons producteurs est donc bien une entorse au sacro saint principe du rendement unique. On peut l’analyser comme une capacité des opérateurs champenois à s’adapter mieux que d’autres aux situations de crise. Car les difficultés de certaines grandes maisons sont bien antérieures à la pandémie. Leurs stocks pesaient déjà trop lourd avant le COVID et leurs difficultés à payer le raisin (lire par ailleurs : http://www.moniquederrien.com/la-champagne-veut-sauver-son-tresor-de-la-crise/) constituent un véritable danger pour toute la Champagne. En des périodes plus fastes on aurait pu choisir de rentrer davantage de vin en allongeant le vieillissement des bouteilles avant de les mettre sur le marché. Mais c’est un coût que que toutes les maisons ne peuvent pas assumer. Tant pis pour celles qui auraient eu besoin de plus de matière afin d’assoir leur développement. Le rendement à la carte n’est pas à l’ordre du jour. 
Aujourd’hui l’urgence est à l’organisation d’une vendange plus compliquée que les autres. Les vignes promettent un millésime d’exception, comparable à celui des deux années qui l’ont précédé, selon les experts. Tout est mis en oeuvre pour que les vendanges soient une fête malgré des règles sanitaires très contraignantes.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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