QUAND L’ETAT REPROCHE À LA MÈRE DE DEUX ENFANTS AUTISTES DE NE PAS TRAVAILLER

Suzanne élève 4 enfants. Les deux derniers sont autistes sévères. Elle les assume seule et en permanence, à quelques heures prés. Cette mère célibataire de 38 ans est originaire du Gabon. Elle  vit en France avec un titre de séjour depuis 10 ans.  Elle aspire à la nationalité française. On la lui refuse parce qu’elle ne travaille pas.


Les deux plus jeunes enfants de Suzanne sont autistes. Celui de 10 ans  est théoriquement accueilli dans un IME, à Châlons-en-Champagne, entre une heure et demie et deux heures par jour, trois après-midi  par semaine. Mais il est si agité que sa maman est régulièrement appelée dans l’urgence pour venir le récupérer. 

UNE USURE DE CHAQUE INSTANT 

«Ils n’y arrivent pas, la prise en charge diminue sans cesse à l’IME. Il ne tient plus en place, dit Suzanne, il faut le maîtriser sans arrêt ». Le second est scolarisé 3 matinées par semaine. « Ce qui veut dire que suis prise à plein temps. Ils sautillent, se jettent au sol, poussent des cris. Toute la famille est affectée, mes grands enfants sont angoissés. Ma fille est en première, je l’ai placée en internat au Lycée Pierre Bayen, et j’envisage de faire la même chose l’année prochaine pour mon fils qui est en 3ème. Il subit le handicap à longueur de journée. » Dans l’appartement de cette famille très soudée, les poignées des fenêtres ont été retirées, parce qu’un moment d’inattention pourrait être fatal aux deux plus jeunes.

PAS QUESTION DE CRAQUER 

Les enfants n’ont aucune conscience du danger. Il faut leur administrer un traitement pour qu’ils dorment. Le fardeau est très lourd à porter pour cette cheffe de famille de 38 ans, son organisation est millimétrée. Ses deux enfants handicapés prennent toute la place,  mais elle veut assumer. « Ils sont autistes, mais ce sont mes enfants, je les aime, je les assume. Il n’est pas question que je rentre au Gabon avec eux. Leur vie y serait encore plus difficile. Je voudrais être naturalisée pour me sentir vraiment chez moi ici, ne pas vivre avec la peur d’être renvoyée, et bien m’occuper de mes enfants qui sont nés en France. Je ne suis pas vraiment à l’aise sans cette nationalité française. »

NATURALISATION SÉLECTIVE ?

Seulement voilà, sa demande vient d’être refusée en ces termes par un courrier de la Préfecture de la Marne : « L’instruction de votre demande de naturalisation, montre que votre parcours professionnel depuis que vous êtes entrée en France en 2011, ne permet pas de considérer que vous avez pleinement réalisé votre insertion professionnelle, puisque vos ressources sont tirées, pour l’essentiel, des prestations sociales. » La décision est ajournée à deux ans, mais Suzanne n’aura pas davantage la poissibilité d’exercer un emploi d’ici là, et le motif du refus sera le même. On pourrait déduire de cette décision que la mère d’un enfant lourdement handicapé, qu’elle assume totalement, ne saurait accéder à la naturalisation française. Suzanne veut croire que le recours qu’elle dépose auprès du Ministère de l’Intérieur viendra prouver que cette forme de discrimination n’a pas cours en France. 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

You May Also Like