Les témoins défilent depuis huit jours pour dire que Philippe Gillet est un homme qui n’a peur de rien. Et il le prouve. Malgré les charges qui pèsent sur lui, il se disculpe sans vraiment convaincre, mais avec un aplomb qui peut déstabiliser. Il nie l’assassinat de sa jeune maîtresse Anaïs, mystérieusement disparue en Avril 2013. Il nie les coups mortels sur son épouse Céline un an plus tôt. Il affirme qu’elle a été piétinée par une vache dans l’étable de Fromy.
La voix de Philippe Gillet portait mal depuis le box des accusés. La présidente a dû le faire sortir pour que la Cour d’Assises puisse l’entendre. Et c’est un véritable spectacle.Le voilà donc appuyé à la barre, comme il s’accouderait au comptoir d’un bistro, pour mieux convaincre. Il se déhanche nonchalamment. Il peut aussi se camper sur ses jambes écartées, les bras croisés, ou ponctuer ses phrases d’un geste explicite. Mais il ne perd jamais la main, malgré ce qui l’accuse.
MOI,POUR MOI…
L’enquête a révélé d’incroyables manipulations sur trois téléphones portables. Le sien, celui de son épouse, inutilisé depuis un an , et celui de sa maîtresse. Il fallait faire croire qu’Anaïs envoyait des messages alors qu’elle avait disparu. Le scénario qu’il décrit ne tient absolument pas, mais il persiste. “Pour moi, c’est Anaïs qui a réactivé le téléphone de Céline.” L’improbable disparition de la jeune femme en pleine nuit ne résiste pas à l’analyse, mais Philippe Gillet a ses convictions. “Pour moi…elle est partie à l’étranger.” “Moi pour moi… elle est morte bien après sa disparition”. Et d’ailleurs “j’aurais pu très facilement faire disparaître le corps d’Anaïs dans l’épandeur à purin si je l’avais tuée.” C’est dit et répété, même si les mots sont insoutenables pour la famille d’Anaïs (photo).
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POUSSER N’EST PAS FRAPPER
Depuis qu’il est incarcéré, Philippe Gillet a été condamné à six mois de prison pour des violences graves sur un détenu. La présidente décrit son ascendant sur la population carcérale. On le craint. Sa violence est maintes fois évoquée par les témoins au cours des débats avec des mots très forts. Il est comparé à un fauve dont les colères impressionnent ceux qui l’approchent, qu’ils soient pompiers, artisans, voisins, ou même gendarmes. “Je n’ai jamais caché le fait que j’aime autant qu’on ne me fasse pas chier.” Le récit de ses menaces, ou de ses coups est une litanie. Anaïs a porté plainte pour ceux qu’elle a reçus, ce qu’il nie aussi. Il même pu s’en prendre à des femmes âgées. Mais il ne cède rien. “Je l’ai peut-être poussée, mais je ne l’ai pas frappée.”
UN MARI INCONSOLABLE
Sa liaison avec Anaïs Guillaume a commencé bien avant le décès de son épouse, preuves à l’appui. Pourtant il refuse d’admettre cette relation parfois compliquée, mais très forte. Il destinait même une bague à la jeune femme, qui avait 20 ans de moins que lui, comme preuve de son attachement. Mais elle avait décidé de le quitter. Pour asseoir sa défense, il réécrit l’histoire. Anaïs était selon lui une jeune femme désespérée, il dit un “cas soc”, comme sa famille d’ailleurs (les parents de la victime devront décidément tout entendre). Alors il voulait l’aider, mais sa vraie vie était ailleurs. Seule la mort de Céline, avec qui il avait construit sa vie, l’a vraiment atteint. Il idéalise sa vie conjugale en essuyant même une larme à la barre. Le Docteur Zagury l’a dit ainsi. Et l’expert psychiatre n’exclut pas que la banalisation de sa relation adultère soit un moyen de masquer son crime.