Philippe Gillet a été acquitté en première instance du meurtre de son épouse Céline en 2013. Il comparait à nouveau devant la Cour d’Assises d’Appel de la Marne, cette fois pour des coups mortels*. L’agriculteur ardennais est aussi rejugé pour l’assassinat, un an plus tard, de sa maîtresse Anaîs Guillaume. Il nie ce crime qui lui a valu 22 ans de réclusion criminelle en première instance. Et il maintient que Céline a été mortellement blessée par une vache dans leur ferme de Fromy.
Céline Gillet était ce qu’on appelle une maîtresse femme. La perte prématurée d’un père qui l’élevait seul avait forgé son caractère. Tous ceux qui l’ont approchée se souviennent d’une grande et belle femme. Elle tenait sa maison de main de maître en assurant une éducation irréprochable à ses deux filles, Victoria et Irina. Elle avait retrouvé sa mère, qui vivait près d’elle. Un modèle de résilience.
UN COUPLE EN SOUFFRANCE
Céline était aussi chargée de la traite des vaches sur la ferme. Une tâche dont elle s’acquittait par nécessité plus que par goût dit Danièle Maroteaux. Cette tante éloignée a joué le rôle de mère adoptive pour Céline. Elle indique que sa protégée avait peur des vaches en groupe. Elle dit aussi que la jeune femme était tourmentée, avant sa mort, par la relation que son mari entretenait avec Anaïs Guillaume. La stagiaire de 20 ans avait pris une place à part sur l’exploitation, et dans la vie de Philippe Gillet qui en avait 40. Au point que Céline songeait à se séparer de son mari. Sa mort est survenue après des fêtes de fin d’années très tendues à la ferme.
UNE MORT BIZARRE
Le drame a pu interpeller ceux qui connaissaient les difficultés du couple. Ils savaient aussi que la jeune femme s’était renseignée sur l’éventualitéd’un divorce. Et sur les lourdes conséquences du partage de cette exploitation de 160 hectares. Malgré les circonstances étranges de l’accident, le corps de Céline, qui avait 33 ans, n’a pas été autopsié comme l’impose la loi après tout accident du travail mortel. Et la vie a repris. Anaïs et Philippe n’hésitaient pas à s’afficher ensemble jusqu’à ce qu’elle décide de le quitter. Sa disparition, les soupçons qui se sont portés sur Philippe Gillet ont réactivé le dossier de l’accident de Céline. Mais trop tard pour qu’un légiste puisse lever le mystère de sa mort. Car elle a été incinérée. Ce qu’elle ne souhaitait pas.
JE PENSE QU’IL EST INNOCENT
“Céline Gillet est l’accessoire de la mort d’Anaïs” dit Richard Delgenes (photo). L’avocat défend les intérêts d’Irina, seconde fille du couple. Elle a 17 ans, elle en avait 8 quand sa mère est morte. On l’a vue s’installer chaque jour du procès, aligner son cahier et ses stabilos bleus, roses et jaunes pâle, et faire des pliages en papier…rose. Elle est présente sans être là, elle n’exprime ni joie ni peine. A la barre elle indique d’une voix égale qu’elle a perdu tout ce qu’elle avait en perdant sa mère. « Ma soeur c’était mon père, moi c’était ma mère. J’ai grandi toute seule. Je n’ai jamais rien demandé à mon père pour ma mère mais je pense qu’il est innocent.” Elle ajoute “C’est compliqué” à la fin de chacune de ses phrases. Lire par ailleurs :PHILIPPE GILLET, UN PÈRE DESTRUCTEUR
DÉFENDU AVANT L’HEURE
Irina a appris les soupçons qui se portaient sur son père par la presse alors que l’enquête s’ouvrait sur des rumeurs.Son avocat déplore qu’il n’y ait eu aucune prise en compte des victimes pendant l’instruction.
Il faut dire que le dossier s’est conclu par un non lieu d’abord , avant un renvoi de Philippe Gillet devant les Assises pour meurtre. Et il est aujourd’hui jugé pour des coups mortels* après son acquittement il y a deux ans . “Si Philippe Gillet est coupable on s’adaptera, poursuit Richard Delgenes. La mort de Céline est bizarre, mais je ne vois pas de traces de la culpabilité de Philippe Gillet.” Et l’avocat de la partie civile rappelle que les experts qui ne croient pas en la version de l’accusé sont incapables de dire comment Céline est morte. La défense de Philippe Gillet vient de gagner du temps.
*L’expression « coups mortels » désigne en droit des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner
