La baisse des ventes de champagne de producteurs est vertigineuse. C’est l’analyse de Maxime Toubart, le Président du Syndicat Général des Vignerons, dans son discours d’orientation à l’occasion de l’assemblée annuelle. Le vignoble a perdu 2,3% de son marché en 2016, 24% sur les 10 dernières années. Le vigneron n’en souffre pas trop parce qu’il a toujours la possibilité de vendre et bien vendre son raisin au négoce quand ses bouteilles n’ont pas d’acquéreur. Pourtant, cette année encore le Président du SGV alerte ses troupes. « Je ne suis ni pessimiste, ni alarmiste, dit il, je suis lucide ». Cette spirale déséquilibre les rapports de force entre le vignoble et les grandes marques. Pour l’inverser les vignerons devront donc élaborer des stratégies individuelles et collectives plus offensives.
En Champagne on appelle ça les « équilibres inter professionnels », autrement dit entre le vignoble et le négoce. C’est ce qui a fait jusqu’ici la force économique du roi des effervescents. Sa prospérité profite à tous parce que chacun à la possibilité de défendre ses intérêts. Si les grandes marques achètent moins bien le raisin, le propriètaire peut choisir de transformer sa récolte pour vendre ses bouteilles. Le problème c’est qu’elles se vendent de plus en plus mal. La France, marché de prédilection du vignoble, en consomme moins. Le résultat c’est que 28% seulement du raisin de champagne est transformé par les vignerons eux même. On est bien loin du seuil de 30% qu’il n’aurait jamais fallu franchir pour maintenir les fameux « équilibres. »Car la facilité c’est bien de céder ses raisins au négoce a un prix encore trés séduisant, autour de 6 euros le kilo….mais jusqu’à quand ? Il est donc urgent de reconquérir des parts de marché, à l’export pourquoi pas, mais surtout en France.
SIX MILLIONS D’EUROS POUR COMMUNIQUER
Il faut, explique Maxime Toubart, faire grandir l’appellation et son image. Le raccourci du viticulteur-pollueur ne correspond plus à la réalité, mais il a la vie dure. L’agriculture durable n’est plus une option, elle est une obligation. Malgré le classement UNESCO, malgré d’importants efforts, l’oenotourisme reste par ailleurs balbutiant chez les champenois qui auraient beaucoup à apprendre de leurs voisins alsaciens. Le vignoble doit se prendre en main, donner les preuves de son excellence, ouvrir le chantier d’une véritable communication dédiée à son savoir faire. Le SGV envisage ainsi de collecter 2 centimes d’euros supplémentaires par kilo de raisin récoltés. Deux cents euros par hectares, en tout 6 millions d’euros seraient ainsi dédiés à la communication. De quoi monter un projet cohérent, sur la France d’abord parce que le marché français n’est pas mort. Une bouteille sur deux y est vendue par le vignoble.
JOUER COLLECTIF
« Et si le raisin est encore bien payé rappelle le président, c’est parce que les vignerons vendent des bouteilles. » Donc tous les vignerons, même les vendeurs de raisin, devront cotiser pour financer la communication de la marque Champagnes de Vigneron. « Chacun d’entre nous porte un morceau de notre réussite » martelle le patron du SGV. Suggérant que celui qui cède à la facilité de vendre son raisin au négoce par intérêt personnel risque d’affaiblir l’ensemble d’une profession qui pourrait être bientôt dans l’impossibilité de se défendre si elle ne se ressaisit pas. Les contrats entre vignoble et grandes marques doivent se renégocier en principe à la fin de la vendange 2018, mais déja les transactions sont en cours, et certains s’engagent sur des périodes de plus en plus longues.