L’hommage à François Chenu ne souffre pas d’exception. Il se déroule chaque année au mois de mai à l’initiative de l’association LGBT Ex Æquo au Parc Léo Lagrange de Reims. C’est là que le jeune homme de 30 ans a été victime d’un assassinat homophobe en Septembre 2002. L’instant est toujours chargé d’émotion. Et cette année plus encore parce que la mort de celui qui voulait être Paula y est associée. Il avait un corps d’homme. Il voulait vivre en femme. Il a été violé puis tué à coups de ciseaux le 7 Avril dernier, en raison de son orientation sexuelle.
Les parents de François Chenu (à gauche ci-dessus) tenaient à être là. Parce que Paula a payé de sa vie, comme leur fils, “pour cette haine de tout ce qui est différent, dit Marie Cécile, la mère de François. Nous voulions être aux côtés de la famille de Paula.”
VOIR PAR AILLEURS : AU DELÀ DE LA HAINE
Laura Estevon, la nièce de Paula, est venue de Perpignan pour assister à l’hommage rendu à sa tante.
UN CRIME ATROCE
Paula avait 50 ans. Elle était un homme pour l’état civil, mais elle se sentait femme. Elle se travestissait uniquement quand elle était chez elle, dans son appartement de l’avenue de Laon à Reims. Jean Paul Isaki, son agresseur, a 27 ans. Il vivait à Châlons-en-Champagne. Ils ne se connaissaient pas. Il est entré de force chez Paula. Il l’a violée “puisqu’elle avait un rendez vous et qu’elle attendait du sexe”. Ainsi s’est-il justifié auprès des enquêteurs. Les 14 coups de ciseaux sont tombés quand Paula (ci dessous) a menacé d’appeler la police.
Puis il a déshabillé sa victime, avant de la traîner encore vivante dans la salle de bain. Avant de mettre le feu Il a découpé ses vêtements et sous vêtements de femme et il lui a coupé les cheveux alors qu’elle vivait encore. Ce qui peut laisser penser, selon le Procureur de la République de Reims Matthieu Bourrette, qu’il cherchait à “masculiniser sa victime”. Dans des conditions qui “peuvent de surcroît laisser penser à une sorte d’acte punitif “.
MEURTRE AGGRAVÉ
Jean Paul Isaki est donc mis en examen pour meurtre “aggravé en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime”, une qualification rarement retenue. Il a par ailleurs déjà été mis en examen pour une tentative d’homicide sur une escort girl transsexuelle en 2017. Pour la nièce de Paula, (ci-dessous) la mort terrible de sa tante est restée trop discrète. “Comme si ce n’était pas grave parce qu’elle était transgenre. Je me demande pour qui il s’est pris. Il a tué ma tante en pensant pouvoir lui enlever ce qu’elle était, la femme qu’elle était. Ma tante est partie en tant que femme. Et ce n’est pas lui qui avait le droit de dire le contraire.”
ELLE AVAIT LE DROIT D’ÊTRE UNE FEMME
“Je n’ai jamais eu un rapport de nièce à oncle avec elle. On parlait maquillage. Elle me disait que son corps était une souffrance. Elle n’a pas eu de chance. On ne lui a juste pas donné le bon habit. Mais elle avait le droit d’être une femme. Elle se définissait comme une femme hétéro.
La douleur pour elle, c’était de ne pas être reconnue comme une femme. Ce qui la faisait le plus souffrir c’était de ne pas pouvoir être elle. Elle disait : “Je suis une femme, j’ai juste pas le bon corps.” “Ses attributs masculins lui posaient un gros souci parce que ça reflétait ce qu’elle n’était pas. Elle n’a jamais réussi à trouver l’amour.”
UNE VIE DIGNE POUR CHACUN
Laura veut réhabiliter la mémoire de sa tante. Elle rêve d’une société où la transidentité serait acceptée. C’est aussi le combat d’Ex Æquo. Cette association rémoise lutte depuis 25 ans contre toutes les formes de discrimination, notemment en raison de l’orientation sexuelle. Ex Æquo défend le droit inaléniable de chacun à une vie digne. « Il faut s’attaquer à la transidentité maintenant qu’on a avancé sur l’homosexualité »dit le président de l’association.
LIRE PAR AILLEURS : DES VIES SACRIFIÉES
A la faveur de l’hommage du Parc Léo Lagrange, Samuel Tarcy, a par ailleurs déploré que malgré «l’officialisation par l’OMS du retrait de la transidentité de la liste des maladie mentale nous soyons encore là à pleurer le tragique départ d’une femme morte sous l’ignorance de l’autre, avant d’avoir pu exister telle qu’elle était. »