Monique Olivier est une nouvelle fois condamnée à la perpétuité, et ce n’est une surprise pour personne. Son 3ème procès d’Assises, cette fois à Nanterre, n’aura pas révélé les secrets qu’elle détient encore. Il a pointé tous les ratages de la police et de la justice dans les crimes en série de Michel Fourniret. Ces silences et ces manquements n’ont pas été un apaisement pour les familles. Le procès n’a pas cerné davantage l’insondable personnalité de l’accusée. Mais peut-être l’aura-t-il aidée à avancer sur le chemin de ses souvenirs, vers plus d’humanité ? La peine de sûreté ramenée à 20 ans, alors que le ministère public a requis le maximum de 22 ans, pourrait être une façon de saluer cet effort. Une sorte d’encouragement à fouiller plus encore dans sa mémoire.
Si son passé n’était pas celui d’une criminelle terrifiante, elle pourrait apparaître comme une femme insupportable et déroutante à la fois. En témoigne son indignation, désormais culte, quand une des parties civiles lui a posé la question. « Êtes vous dangereuse ? Dangereuse moi? Non mais ça va pas ! ». Avant et pendant sa carrière de complice dévouée, sa vie de femme a été lamentable, c’est vrai. Il y a pourtant de l’obscénité à se victimiser comme elle le fait alors qu’elle est jugée ici pour avoir assisté et coopéré aux pires des crimes qu’on puisse imaginer.
LA PEUR POUR TOUTE EXPLICATION
« Quand je voyais ses mains comme ça dit-elle à propos de la mort par strangulation d’une victime de Fourniret, joignant le geste à la parole, je me disais que j’allais y passer aussi. » Ainsi la peur suffisait-elle à ne pas réagir, à laisser faire.« Mais les corps je n’y touche pas » précise-t-elle par ailleurs, justifiant son incapacité à localiser les cadavres qu’elle ne voulait pas voir. « Vous ne supportez pas de voir un corps, mais vous supportez de voir quelqu’un qui va mourir » constate Maître Didier Seban dans le rang des parties civiles. Force est d’admettre, pourtant, que Monique Olivier n’est plus celle qu’on a découverte à Charleville en 2008, pour son premier procès d’assises, et même à Versailles 10 ans plus tard pour le second. Ses incriminations répétées plaident en faveur d’une prise de conscience de sa noirceur. « Je m’interdis de voir mes enfants parce que j’ai empêché les autres de voir leurs enfants ». A quelques exceptions près, les débats de ce 3ème procès n’ont servi à (presque) rien. Les zones d’ombres persistent sur les dernières heures de Marie Angèle Domece, disparue en 1988, et de Joanna Parrish dont le corps a été retrouvé en 1990. Les conditions de la mort d’Estelle Mouzin en janvier 2003 ne sont toujours pas connues. Le corps de l’enfant de 9 ans n’a pas été retrouvé .
OLIVIER, MODE D’EMPLOI
Quelques instants de cette courte vie ont pourtant été restitués en présence d’une famille dévorée par le chagrin. On les doit à l’intervention d’une des assesseurs du président. Le temps s’est suspendu dans la salle d’audience, parce que cette femme a su interroger Monique Olivier, sans la faire bredouiller. Oui elle a bien passé quelques heures avec Estelle dans le taudis où Michel Fourniret l’avait déposée avant de la violer, peut-être, et de la tuer. Oui, elle s’est bien assise sur un matelas crasseux à côté de cette enfant qui réclamait sa mère. Les mots sont sortis au forceps, mais on a le sentiment cette fois de vivre un moment de vérité. Et on comprend surtout qu’il y a bien une façon d’interroger Monique Olivier. Malgré la coopération bienveillante de Richard Delgenes, le président Didier Safar n’a malheureusement pas maîtrisé ce mode d’emploi, lui coupant maintes fois la parole quand on avait le sentiment qu’elle allait enfin « se lâcher ». Au cours de ce procès de 16 jours, les frustrations ont été nombreuses. La douloureuse mise en lumière des dysfonctionnements de la police et de la justice fait partie de cet inventaire.
RATAGES, DÉRAPAGES ET FOURNIRET-SCEPTICISME
On savait dès les premiers aveux de Monique Olivier, en 2005, que Marie-Angèle Domece et Joanna Parrish étaient des victimes de Michel Fourniret. Pourtant les familles ont dû vivre une interminable attente, jusqu’à en mourir peu avant l’audience pour le père de Marie Angèle. Pourquoi ces dossiers n’ont-ils pas été jugés à Charleville au cours du premier procès du couple Fourniret ? Parce que, dit l’avocat de la défense il y avait cette plainte contre Francis Nachbar, le procureur de la République de Charleville Mézières, déposée par Monique Olivier pour des brutalités par ailleurs constatées par les enquêteurs belges. « Il fallait expliquer ce procès verbal, alors on a retiré Parrish et Domece. » Et pour vivre sans attendre ce procès phare d’une carrière de magistrat la procédure a été menée tambour battant. Que dire enfin des ratages des enquêteurs de Versailles qui, depuis 2003, se sont enlisés dans l’affaire Mouzin en raison d’un alibi fabriqué par les Fourniret, quand tout conduisait à l’ogre des Ardennes ? La juge Khéris a mis 3 ans, aveux compris, pour aboutir. Mais il a quand même fallu subir le déni complet d’un enquêteur du SRPJ de Versailles à la barre. Fourniret-sceptique, sans doute le seul, au point de douter de la culpabilité du tueur en série dans l’affaire Mouzin, parce que Michel Fourniret n’était pas, selon lui, un pédophile.
CE N’EST PAS LA FIN
Comme l’a martelé son avocat, ce sont bien les aveux de Monique Olivier qui ont permis ce procès. Mais il lui reste un long chemin pour arriver au bout de son repentir. Parce qu’elle n’a pas tout dit jusqu’ici. Et parce qu’elle est mise en examen depuis 3 ans dans l’affaire Lydie Logé par la juge Khéris. Elle doit être prochainement ré entendue au Pôle Cold Case de Nanterre sur la disparition de cette jeune mère de famille, en 1993 dans l’Orne. On se situe là dans la « période blanche », totalement improbable selon les criminologues, de Michel Fourniret. Une trace de l’ADN de la jeune femme a été trouvée en 2019 dans le fourgon du tueur. De nouveaux éléments recueillis après l’appel à témoin de l’avocate Corinne Hermann doivent encore être exploités. Et sans doute Monique Olivier devra-t-elle revenir aussi sur cet autre souvenir évoqué devant la Cour d’Assises à Nanterre : une jeune fille ramenée en pleine nuit au domicile conjugal par son mari. Il a demandé à Monique Olivier et à leur fils de les laisser seuls. Le lendemain, la jeune fille n’était plus là. Ce 8 juin 1997 correspond à la date de la disparition de Cécile Vallin, dans les Alpes. Le dossier a été transféré au pôle cold case de Nanterre en Mai dernier.