Cité comme témoin au procès de sa mère, Selim Fourniret n’a pu donner aucune information à la famille Mouzin sur les dernières heures d’Estelle. Tantôt paumé, tantôt donneur de leçon, cet homme de 35 ans apparaît surtout comme un fils détruit par les crimes terrifiants de ses parents dont ignorait tout jusqu’à leur médiatisation. « J’ai vécu pendant 15 ans avec deux acteurs, acteur papa acteur maman. »
Au premier procès de sa mère, à Charleville en 2008, Selim Fourniret a surgi dans les débats de la Cour d’Assises en tong et bermuda, la peau tannée par le soleil. Il quittait le voilier sur lequel il s’était réfugié pour naviguer loin de tout le battage médiatique, pour ne rien savoir. Cette fois, à Nanterre, il apparaît en visio conférence depuis le Tribunal Judiciaire de Nice*.Il est engoncé dans une doudoune dont le col remonte jusqu’à la perruque qui mange son visage. Des lunettes voudraient le cacher plus encore. Mais la ressemblance de cet homme de 35 ans avec Michel Fourniret est frappante
LA MÈRE AIMANTE
Il parle d’une voix monocorde, “sans affect”, pour reprendre les mots qu’il utilise souvent. Ainsi ses relations avec Michel Fourniret étaient-elles sans affect. “II était distant, autoritaire, je le respectais en tant que figure paternelle. Il me faisait faire mes devoirs. J’étais mauvais élève et il s’énervait. Il avait des paroles très dures. Il n’était pas aimant. Monique Olivier, c’était la mère aimante.” Quand son père a été arrêté en Belgique, elle lui a dit qu’il était parti. Je me suis dit cool, c’est bien. C’était plus facile de vivre quand il n’a plus été là. C’était plus agréable, oui.”
JE SUIS AVEC MA MAMAN, TOUT VA BIEN
Quand il rentre chez lui ce jour là, après les cours, il y a beaucoup de voitures de police autour de la maison. Mais il ne comprend toujours pas ce qui se passe. Sa mère est stressée, préoccupée, mais Sélim a été habitué par son père à ne pas poser de questions. “Je pensais que c’était à cause de la police”. Monique Olivier est auditionnée plus de 100 fois par la police belge dans la foulée, mais là encore, on ne lui dit pas tout. “Je suis avec ma maman, tout va bien, tout est normal.” Après ses aveux, un an plus tard, elle est arrêtée à son tour. “Elle n’est pas rentrée.” Il a 15 ans. Il reste seul chez lui 2 jours sans savoir. Jusqu’à ce que ses demi-frères, les enfants du premier mariage de Monique Olivier avec André Michaux, viennent le chercher. Comme lui, ils ont finalement tout appris par la presse.
J’AI ÉTÉ ÉCŒURÉ
“Au début, je me suis dit que c’était bien. Pour moi c’était ma maman. Je ne la voyais pas en tant que complice, je n’imaginais pas ce que ça cachait. Mais après j’ai été écœuré de voir le visage de cette femme.” Il ne l’a plus jamais revue. Le président l’interroge sur Estelle Mouzin, qui aurait été séquestrée à Sart-Custine. Une ancienne co-détenue affirme que Monique Olivier lui a fait ce récit. Elle aurait même utilisée un pyjama de Sélim pour habiller la fillette. Mais Sélim confirme le démenti de sa mère. Il ne l’a jamais vue. Et des pyjamas, il n’en a jamais porté. “Les média racontent des choses qui pourraient faire ressurgir des souvenirs…mais rien. J’aimerai me rappeler de ce que j’ai mis de côté pour oublier, mais rien ne me revient.”
SANS HAINE POUR MICHEL
Il se souvient par contre d‘avoir été avec sa mère pour enterrer une trousse remplie de louis d’or, jusque-là cachée dans la machine à laver. Une partie de ce fameux butin du gang des postiches que Michel Fourniret a volé à Farida Hamiche avant de l’étrangler. Cette victime serait d’ailleurs la seule que Michel Fourniret a regretté d’avoir tuée quand il est allé le voir en prison. Sélim a décroché ces deux heures de parloir pour étayer l’enquête d’un ami journaliste, Oli Porri Santoro qui l’accompagnait. Son livre, « Le fils de l’ogre », est sorti peu après. «Il était droit sans ses bottes. Il m’a dit : je tuais mais je ne violais pas. Moi j’ai compris qu’il tuait ses victimes parce qu’elles étaient les témoins de son impuissance.» L’évocation des échanges qu’il a pu avoir avec son père en prison est assez détachée.
UN ENFANT MEURTRI
Avec sa mère, c’est différent. Sa correspondance avec Monique Olivier, c’est ainsi qu’il l’appelle désormais, s’est vite interrompue. “Elle me montait contre Michaux alors que je vivais chez lui avec William et Murphy. Méfie-toi de lui, il m’a fait du mal. ” Pourquoi ne l’appelez vous plus maman » ? demande l’avocat de La Défense. Depuis que je sais ce qu’elle a fait. Moi je la voyais craintive. Elle se fait passer pour une victime, mais ses lettres disent le contraire : je veux travailler pour toi. Dès la sortie de Michel (après une condamnation pour une série de viols), elle l’a vu tuer Farida. Elle aurait pu partir. Pendant notre confrontation chez la juge, elle mangeait des chocolats en se plaignant de son incarcération. Elle n’avait rien à dire à son fils. Je suis le fruit d’un accident , d’une rencontre commerciale. »
IL M’ÉCRIRA
Selim ne croit pas du tout qu’elle ait fait ses aveux pour lui, pour neutraliser Michel Fourniret parce qu’il empoisonnait leur vie. « Je demande à Monique Olivier de se libérer d’un poids pour les familles. Dehors il n’y a personne qui t’attend. Dis ce que t’as à dire. -Tu vas pas me faire la morale ! » Les mots ont jailli avec une énergie surprenante. Et encore : «Tu ressembles à ton père ! ». N’a-t-elle rien à dire de plus à son fils, demande le président. Elle cherche à nouveau ses mots, elle bafouille une fois de plus. « J’aurais aimé lui dire des choses. Il ne m’aime plus, mais moi je l’aime toujours autant. Il peut venir me voir, il peut m’écrire. Comme Murphy, un jour il m’écrira… un tout petit mot. »
*Sélim Fourniret est sous bracelet électronique après une mise en examen pour viol.