MoniqueOlivier s’est exprimée durant 6 heures sur les faits qui la conduisent pour la 3ème fois devant une Cour d’Assises. Elle reconnait sa complicité dans 3 enlèvements suivis de viols et meurtre commis par Michel Fourniret, son ex mari décédé depuis 2 ans. Deux jeunes filles Marie-Angèle Domece en 1988, Joanna Parrish en 1990, et Estelle Mouzin, âgée de 9 ans en 2003, ont disparu dans des conditions atroces. Après des décennies de souffrance et d’attente pour les familles, ces trois crimes sont enfin jugés aux Assises des Hauts-de-Seine. Ce procès n’aurait peut-être jamais eu lieu sans l’opiniâtreté de la juge Sabine Kheris. Citée comme témoin, la magistrate a présenté une synthèse de son enquête. Et sa clarté a réveillé ceux qui avaient subi, depuis le matin, l’interrogatoire laborieux de l’accusée.
Sabine Kheris est aujourd’hui en charge du pôle « cold case » de Nanterre, créé voilà presque 2 ans alors qu’elle était déjà saisie des affaires actuellement jugées. Devant la Cour, elle insiste d’abord sur l’efficacité de l’équipe qui l’entoure : sa greffière,Valérie Duby, qu’elle appelle son binôme, détachée pendant 3 ans pour ne travailler que sur ces dossiers. “Elle a nourri tous mes interrogatoires” ajoutant que deux «profileuses» de la gendarmerie l’ont aidée à cerner la personnalité de Michel Fourniret et Monique Olivier pour mieux les questionner en s’appuyant, évidemment, sur l’énorme travail des enquêteurs belges qui ont arrêté Michel Fourniret en 2003 après un enlèvement raté. Elle salue enfin les avocats, défense et parties civiles, parce qu’« ils ont été de véritables auxiliaires de justice, avec un grand A ».
DES AVEUX A TIROIRS
On le sait depuis les procès retentissant de Charleville en 2008, ou de Versailles pour un crime crapuleux en 2018, les aveux de Michel Fourniret sont toujours arrivés après les révélations de Monique Olivier. A la barre, Sabine Khéris reprend fréquemment les propres termes du tueur en série en faisant la synthèse de son instruction récente, d’une voix égale et douce. “Cette expression du visage ça ma parle” dit-il à propos de Marie Angèle Domece, ou bien: “je suis le seul responsable de son sort, s’agissant de Johanna Parrish. Où encore, à propos d’Estelle Mouzin, “je ne vous donne pas de détails car je ne suis pas fier de moi. Putain de poids en moins !” Sabine Kheris explique les termes alambiqués, «Si Fourniret n’avait pas été là, ces trois personnes seraient en vie», par la personnalité trés particulière d’un tueur capable de parler de lui à la 3ème personne, et aussi parce que «sa mémoire ne souhaitait pas revenir sur des faits peu reluisants ».
“J’AI DES CHOSES A VOUS DIRE “
Elle raconte encore comment Monique Olivier l’a finalement sollicitée à propos de la fillette de Guermantes. «Je me sens en confiance avec vous, j’ai des choses à vous dire sur Estelle Mouzin.» La piste de Fourniret avait été radicalement écartée par les enquêteurs de Versailles en raison d’un coup de fil passé à son fils Jean-Christophe (né d’un premier mariage) pour son anniversaire, au moment même de l’enlèvement d’Estelle, depuis le domicile du tueur. Mais l’alibi est tombé avec les aveux de Monique Olivier. C’est elle qui a composé le numéro de Jean Christophe, à la demande de Fourniret depuis leur domicile. Et c’est elle qui a gardé Estelle Mouzin dans la maison inhabitée de Ville-sur-Lumes, tout près de là dans les Ardennes. Pendant ce temps son mari consolidait son profil de citoyen bien tranquille en allant pointer à l’école toute proche pour y assurer un petit boulot d’auxiliaire.
“ELLE ÉTAIT TRÈS JEUNE”
“Oui j’ai vu Estelle Mouzin trois fois dans la chambre du haut. Elle était habillée. Elle voulait voir sa maman. Elle était calme” a pu indiquer Monique Olivier. Peut-être avait-elle été droguée ? Rien de certain puisque son corps n’a pas été retrouvé. Elle se souvient de son mari portant le corps de l’enfant sur l’épaule droite… « et il est revenu sans rien dire. C’était un dimanche. J’étais en colère car elle était très jeune. J’ai enfoui ce souvenir qui me faisait mal. Je demande pardon à Monsieur Mouzin, je n’ai pas réussi à dire où était sa fille.” Elle ne se souvient pas où est le corps ajoute Sabine Kheris, précisant même que cela lui parait crédible. « Vous n’avez pas vu de manipulation chez Monique Olivier demande l’avocat de la défense, Richard Delgenes, et vous citez les expertises qui vont dans ce sens. Ces expertises correspondaient peut-être à ce que je pensais. »
MONIQUE OLIVIER EST INSONDABLE
Cette journée d’audience a été très longue. Elle a commencé par l’interrogatoire de Monique Olivier. Entrecoupé de soupirs, difficile, comme son élocution qui finit tout de même par se fluidifier avec les heures. Éprouvant, parce que les précisions n’arrivent pas, malgré les sollicitations pressantes du ministère public et des parties civiles, persuadés que Monique Olivier ne dit pas la vérité. Pourquoi s’est-elle rétractée sur les enlèvements de Marie-Angèle et Joanna, alors qu’elle les a révélés à 6 reprises à partir de 2003 ? Elle ne sait pas. Madame Olivier est insondable confirmera d’ailleurs Sabine Kheris un peu plus tard. Pourquoi ce récit du corps de Joanna jeté dans l’Yonne peu après sa mort, alors que les conclusions médico-légales excluent ce scénario ? Il faudra insister, insister encore pour qu’elle envisage une possible confusion avec une autre victime. Mais elle reconnaît qu’elle a servi d’appât en connaissance de cause pour mettre les victimes en confiance.
“COMME UNE IDIOTE”
Après le premier meurtre, celui d’Isabelle Laville, il lui a dit qu’elle était sa complice, coupable autant que lui. Elle a compris que les victimes suivantes ne seraient pas seulement violées, mais tuées. Elle explique encore qu’elle est à l’avant du C15 pendant que son mari s’acharne sur Joanna Parrish, peut-être par colère, parce qu’elle n’était pas vierge. « Pour lui une femme c’était rien. Il méprisait les femmes. Il ne m’a pas demandé de partir alors je suis restéee comme une idiote. -Comme une idiote, ça ne suffit pas commente un assesseur. -Je ne le fais pas avec joie. C’est comme une obéissance. -A quoi pensez vous pendant les faits ? –J’ai peur. Je ne suis pas courageuse vous savez. Je regrette de l’avoir laissé faire, mais ce n’est pas ce qui m’empêche de recommencer.” Et pourquoi n’a-t-elle jamais aidé à retrouver un corps insiste la partie civile. “Je vais mourir en prison, pourquoi je me tairais si je savais. Je n’ai jamais aidé à trouver les corps parce que je ne savais pas.” Et elle le dit avec vigueur.