Un Gardien de la Paix du commissariat de Reims vient d’être condamné à 4 ans de prison dont 2 fermes, avec mandat de dépôt et interdiction définitive d’exercer. Il comparaissait devant le Tribunal Correctionnel pour agressions sexuelles, vol, violences et violation de domicile. Les nombreux collègues qui sont venus le soutenir ont assisté avec beaucoup de tristesse à son départ pour les geôles de la Maison d’Arrêt de Châlons-en-Champagne. Il a très vite fait appel du jugement.
Quand elle pousse la porte du commissariat de Reims, le 27 août dernier, cette jeune mère de nationalité roumaine vient pour alerter les forces de l’ordre sur les agissements d’un homme dont elle pense qu’il est un faux policier en uniforme. Avec l’aide d’une amie francophone, elle raconte qu’il est venu frapper à la porte de son appartement rémois de la rue Jean-Jaurès la veille, en fin d’après-midi.
UN POLICIER ÉTRANGE
Le frère de son mari, un garçon de 14 ans, est en train de donner le biberon au bébé du couple qui l’héberge. Il fait entrer le policier dans le séjour. Elle est dans la cuisine, au téléphone avec son amie. C’est elle qui va traduire les échanges avec le policier. Il contrôle les papiers d’identité des occupants et, d’un geste, il fait passer la jeune femme dans la salle de bain. C’est là qu’il lui fait signe de soulever sa jupe, ce qu’elle refuse. Son beau-frère dit qu’elle est sortie de la salle de bain en pleurs et qu’elle a dû s’allonger après le départ du policier qui a quitté les lieux sans un mot. Quand le Président du Tribunal lui demande pourquoi il est revenu seul après être passé le matin avec deux réservistes, il explique qu’il est toujours à la recherche d’indices qui permettraient d’interpeller des dealers. On l’avait informé de l’existence d’un squat dans l’immeuble, il fallait aller voir… mais on ne trouvera aucun rapport de cette « mission. »
UNE CAPTURE D’ÉCRAN REDOUTABLE
Interrogé sur les faits qu’on lui reproche, le prévenu conteste formellement. Il «ne sait pas expliquer» les déclarations de la victime. Elle les confirme pourtant à la barre, avec l’aide d’un interprète. Elle assiste au procès avec son mari. La poussette du bébé est admise dans la salle pour qu’ils suivent les débats ensemble. « Elle était persuadée que ce n’était pas un policier dit son avocate. C’est même pour ça qu’elle ose rapporter les faits au commissariat, insiste Maître Braconnier. Magie de la technologie, l’amie qui lui parlait en visio au moment des faits a pu faire une capture d’écran. Sinon, il n’y aurait eu aucune trace. » Et l’image qu’elle présente aux vrais policiers du commissariat ne laisse pas de place au doute : c’est bien Gregory Caron qui est revenu seul chez elle. Et il se trouve justement que l’IGPN s’intéresse à une autre plainte, déjà déposée contre lui le1er décembre par une autre mère de famille, kosovare cette fois.
QUAND LE POLICIER ABUSE DE SON POUVOIR
Police Secours avait été appelée ce jour-là, pour neutraliser son mari alcoolisé et violent. Grégory Caron est arrivé sur les lieux, et pendant que sa collègue se chargeait de calmer les enfants, il a demandé à leur mère de se diriger vers la chambre. Selon cette autre victime, il a vérifié qu’il n’y avait pas de caméra dans la pièce. Quand elle a cherché ses papiers, il s’est approprié les deux cent cinquante euros qu’il a repéré dans son portefeuille, avec un clin d’œil. Et puis, il lui a demandé de se déshabiller, sortant lui même ses deux seins du soutien gorge. Il lui a fait baisser son pantalon en la faisant tourner devant lui, prétextant chercher les marques des violences conjugales qu’elle aurait pu subir. Il lui a demandé de baisser sa culotte, mais elle a refusé. Sur le « tapissage » qui lui est présenté un peu plus tard au commissariat, elle désigne Grégory Caron, « le numéro 7 », sans aucune hésitation. Maître Agnès Mercier, son avocate, insiste sur les ravages de cette agression sexuelle. La vie de cette femme est détruite, elle est rentrée au Kosovo pour fuir ses souvenirs. Mais la position de l’intéressé devant le tribunal est constante : « Je conteste formellement. »
DES PRATIQUES PARTICULIÈRES
Alors pourquoi ces déclarations très semblables de deux femmes étrangères, précaires, vulnérables, et qui ne se connaissent pas ? « Je ne saurais pas l’expliquer Monsieur le Président » Et que penser de ces innombrables photos trés inquiétantes retrouvées dans son portable, demande encore Pierre Creton ? Il s’agit notamment de femmes aux fesses dénudées, dans des situations qui ressemblent à ce qui est décrit à l’audience. « Je ne ferai pas de commentaires sur mon intimité sexuelle » Le regard bleu de ce policier dans la force de l’âge donne l’impression d’un contrôle absolu, mais l’abattement peut aussi apparaître sur son visage. La personnalité de cet homme de 27 ans interroge. La solidarité de ses collègues est touchante. Celui qu’ils soutiennent n’est sans doute pas l’homme qu’on juge, et qui explique que la police est toute sa vie. Mais le malaise grandit quand on comprend que son comportement aurait dû mobiliser sa hiérarchie depuis quelques années déjà. La procureure Mathilde Compagnie recense ses dérapages récents et plus anciens.
« L’INSTITUTION EST SALIE »
Déjà en 2018 à l’École de Police de Reims, il a reçu un avertissement pour insultes sexistes sur des camarades de promotion. En 2022 à Soissons, il a fait l’objet d’une exclusion de 15 jours, dont 12 avec sursis, pour avoir suivi une jeune fille jusque dans sa chambre. Un peu éméchée en sortant d’une discothèque, elle avait sollicité le policier pour rentrer chez elle en toute sécurité. En 2023, il est à nouveau dénoncé pour harcèlement par plusieurs collègues de l’École de Police . « Ça m’effraie » dit la magistrate. Elle insiste sur l’intelligence de cet homme, par ailleurs capable de préméditer son retour chez une victime qu’il a repérée le matin, en usant du prestige de son uniforme. « L’institution est salie » … « Mais que fait encore Monsieur Caron dans la police ? » Elle requiert l’interdiction d’exercer et 4 années de détention dont 3 fermes. L’avocat de la défense, Mourad Ben Koussa a bien tenté de soulever des nullités dans la procédure, il a formuleé des QPC ( question prioritaire de constitutionnalité) pour dénoncer des entorses à la constitution. Les débats ont été tendus ensuite, mais toutes ces objections sont rejetées. Quatre ans dont deux fermes assortis d’une interdiction d’exercer et d’une obligation de soins sont finalement prononcés. L’avocat de la défense fait appel. Il réclame par ailleurs une mise en liberté. Le sort de Grégory Caron pourrait être à nouveau débattu dans quelques semaines.