Le rendez-vous a été fixé à 9h30 devant la petite église paroissiale Saint Martin de Germinon, dans la Marne. Les participants se comptent sur les doigts des deux mains. Le village, qui n’atteint pas les 200 habitants, est un peu loin de tout. On ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il y ait foule. Ceux qui sont là sont des gens du cru attachés à leur clocher. Et c’est pour connaitre encore mieux leur église qu’ils sont venus écouter Megan Mason.
La jeune femme est chercheuse à l’Inventaire du Patrimoine Culturel de la Région Grand Est*. Sa parole est d’autant plus précieuse qu’elle est extrêmement documentée. En l’écoutant sous le soleil de cette fin d’été, chacun a sans doute le sentiment de bénéficier d’un grand privilège. À la faveur de ces 40èmes Journées du Patrimoine, Mégan Mason a choisi de s’intéresser aux églises paroissiales de Germinon et de Velye, un village voisin.
FAIRE PARLER LES PIERRES.
Ces rencontres s’inscrivent dans la longue liste des rendez-vous désormais proposés partout en France à la rentrée, car le succès des Journées du Patrimoine se renforce au fil des années. A ceux qui ont répondu à l’invitation, elles vont offrir ici un moment de partage dont la rigueur historique cimente le plaisir. « Un indice qui permet de dater l’église de Germinon, annonce Megan Mason dès le parvis, c’est l’arc en plein cintre du portail qui forme un demi cintre, typique de l’architecture romane. Il y en a plein dans les églises du coin. On se situe donc entre le 11ème et le milieu du 12ème. Plus tard on aurait un arc brisé dont les deux portions se rejoignent en formant un angle. Ce serait du gothique, entre13ème et 16ème. Donc quand j’ai vu ça, je me suis dit, elle est sans doute romane.»
LES INDICES INFAILLIBLES
Seulement voilà, le chevet – l’extérieur du chœur donc- va livrer d’autres indices. Parce que le contrefort d’angle qu’on y découvre est du 13ème à coup sûr. Les églises romanes, plus trapues, n’ont pas besoin de ce renforcement pour tenir. Mais là encore, la jeune femme recommande de cultiver son regard. La pierre calcaire de cette partie de l’église paraît à priori moins ancienne. L’occasion de rappeler que la craie est omniprésente en Champagne parce qu’elle en constitue souvent le sous sol . Elle est facile à travailler, très résistante tant qu’elle est protégée des infiltrations, en haut par la couverture, en bas par des soubassements en pierre meulière « Je ne vous en dit pas plus pour le moment, mais vous verrez à l’intérieur, on aura la preuve que le chœur a été un peu modifié au 19ème siècle ».
UN JEU DE PISTE QUI FAIT RÊVER
En réalité, les indices ultimes, ceux qui permettront de ne plus se tromper, sont bien la nef en trois vaisseaux, plafonnés, avec deux niveaux d’élévation, et 3 ou 4 travées. « Retenez bien ce modèle, il est typique des nefs romanes du 12ème en Champagne. » Le parcours proposé prend habilement la forme d’un jeu de piste très didactique dont personne ne se lasse. Surtout quand il s’achève sur une interrogation magique devant un grand mur badigeonné, et surtout sans ouverture. Il cache peut-être un merveilleux secret. Comme celui de l’église de Meurs-Verrier, tout près de là : la couleur qui est apparue quand le badigeon a commencé à s’effriter a intrigué les observateurs. Et leur curiosité a permis la mise à jour récente d’une peinture monumentale dont le sujet iconographique est exceptionnel. « Sachez que vous pouvez nous solliciter pour obtenir éventuellement un diagnostic. Il permettrait de sonder les murs, en faisant apparaître ce qui existe peut-être sous le badigeon. » Il n’est pas interdit de rêver !
*Pour en savoir plus sur ce service de la Région Grand Est, Lire ICI