Inceste et violences sur mineurs. Voilà les délits qui valent à cet homme de 45 ans de comparaître devant le Tribunal Correctionnel de Reims. On s’attend à une audience difficile. On est pourtant bien loin d’imaginer le pouvoir de destruction de ce père, beau-père, mari, amant … sur tous ceux qui ont partagé sa vie. Le tribunal le condamne à 7 ans d’emprisonnement, mais il fait appel
Chanel* a 7 ans quand elle se confie à sa nourrice. Ses révélations ne laissent aucune place au doute. Les enquêteurs, les médecins, les psychologues qui l’entendent un peu plus tard ont très vite la certitude qu’elle a été sexuellement abusée par son père Cédric Ménard, pendant plusieurs années. Son corps porte les stigmates de ce qu’elle a subi. La petite fille avait été placée en famille d’accueil en raison d’un retard de développement très important.
PORTÉE PAR UNE MÈRE DANS LE COMA
Les conditions particulièrement dramatiques de sa naissance ne suffisaient pas à expliquer son état. Avant elle, sa mère avait eu 5 enfants déjà, de deux autres lits. Les médecins l’avaient alertée sur les risques d’une nouvelle grossesse. Mais la ligature de ses trompes ne lui a pas évité d’être à nouveau enceinte. Ce qui provoque un AVC, puis un coma, avant la mort. Chanel* nait orpheline, après avoir grandi dans le ventre d’une mère inconsciente. On la confie à son père, alors gérant d’une discothèque. Il vit à Reims avec Cyndie* et Jordan*, deux des grands enfants de la mère disparue. Dans cette cellule familiale hors norme, Chanel* est élevée par Cyndie*. La petite fille croit que sa demi sœur est sa mère, elle l’appelle d’ailleurs «maman». Quand les services sociaux prennent le relais de cette éducation très particulière, ils constatent des carences éducatives dévastatrices sur la fillette. Elle n’a jamais été scolarisée.
«CHANEL* NE VA PAS BIEN»
« Vous cachiez l’état de Chanel* plutôt que de la faire évoluer » dit le président à Cédric Ménard. Pour Maître Laithier, « Chanel* n’est pas une petite fille normale. On l’a posée là, mais elle n’existe pas. Personne ne s’intéresse à elle. Elle ne va pas bien» ajoute l’avocate qui défend ses intérêts. Chanel* a des problèmes de motricité, et un très gros retard quand elle arrive dans sa famille d’accueil. C’est donc à ce moment là qu’elle révèle les agressions sexuelles régulières que lui infligeait son père. Son demi-frère Jordan* est évidemment interrogé et il confirme : les nuits de calvaire de la fillette commençaient dans le lit de Cédric Ménard. Il révèle que Cyndie* le rejoignait un peu plus tard. Il indique même que les bruyants ébats de la toute jeune fille et de son beau-père ont commencé alors que sa mère était encore dans le coma, avant son décès. Jordan* accuse encore son beau père d’avoir été violent avec lui, de l’avoir privé de nourriture. Il pesait 35 kilos pour 1m75 quand les dysfonctionnements de cette étrange cellule familiale ont été découverts.
LA STRATÉGIE DE L’EMPRISE
Devant ses juges Cédric Ménard nie tranquillement l’inceste, comme il l’a fait pendant l’enquête. Le visage fermé, il écarte calmement toute violences sur Jordan, «un enfant difficile aujourd’hui placé en IME», insiste son avocat Charles Ohlguser. Concernant Cyndie*, il n’aura pas a se disculper des coups réguliers qu’elle recevait. « Elle vous couvre, dit le président, Cyndie* est sous votre emprise. Vous lui mettiez des claques, vous la frappiez tous les jours, elle ne disait rien. » C’est sans doute pour cette raison qu’on ne lui demande pas de venir témoigner à la barre. Mais elle est dans la salle. Elle suit le procès de bout en bout, un sourire nerveux plaqué sur des lèvres très maquillées. Cyndie* est aujourd’hui une jolie jeune femme de 25 ans. Elle répond volontiers aux questions de ceux qui s’approchent d’elle. Oui, elle fait ce qu’elle peut pour aider Cédric Menard. Elle lui rend visite en prison parce qu’elle veut garder un lien avec le père de son enfant. Un fils de deux ans qu’il n’a pas reconnu. « Il assume pleinement sa posture abandonnique » ont dit les experts.
DES VIOLENCES CONJUGALES, AUSSI
Le synthèse du président est sobre, mais éloquente : « Les autres ne vous intéressent que pour ce que vous pouvez en faire. » Quand le jugement tombe (7 ans d’emprisonnement pour l’inceste, 1 an pour les violences sur Jordan*) Cyndie* quitte la salle d’audience en pleurant. Elle en est sûre, il n’a rien fait de ce qu’on lui reproche. Elle le crie sur les marches du Palais de Justice. Elle s’en prend à une autre jeune femme qui assistait elle aussi au procès. Et pour cause : Cédric Ménard est un homme qu’elle a connu de près. Entre la révélation des faits d’inceste et le procès qui s’achève, il a pris le temps d’une relation avec elle…jusqu’à l’épouser. Mais il l’a si violemment frappée, vidéos à l’appui, qu’il a fini en prison à la suite d’un premier procès. Cyndie*, quant à elle, continue à l’aimer. Elle hurle encore dans la nuit. Et cette fois ell bouscule celle qui lui a pris son homme, c’est sa conviction. Il faudra l’intervention des services de sécurité pour la calmer. Cedric Menard est déjà retourné dans sa cellule. Maitre Ohlguser annonce très vite qu’il fait appel du jugement qui vient de tomber.
*Les prénoms ont été modifiés
La peine de Cedric Menard a été ramenée à 5 ans fermes par la Cour d’Appel (peine confirmée après une procédure en Cassation). Mais après l’avoir déjà fait condamner pour des violences, sa dernière épouse l’a dénoncé pour viol. Il sera jugé le 4 Octobre 2024 pour ce crime. Lire ICI