Le Procureur de la République de Reims vient de classer l’enquête. Il l’avait ouverte à la suite de la dénonciation d’un salarié licencié par Veuve Clicquot. Il affirmait que la maison rémoise avait frauduleusement apposé sa célèbre étiquette orange sur des bouteilles achetées à Piper Heidsick avant de les revendre sous son nom. Mais le Parquet confirme la légalité de cette pratique.
On parle bien de 6 millions de bouteilles. Et non pas 4, comme cet ancien salarié de Veuve Clicquot croyait le savoir en Septembre dernier. L’homme contestait alors son licenciement pour faute grave devant le Conseil des Prud’hommes. Il avait saisi l’opportunité de cette audience pour affirmer que son employeur avait frauduleusement vendu des bouteilles de champagne Piper Heidsieck au prix de de flacons Veuve Clicquot. Les transactions, au nombre de 5, ont eu lieu entre Novembre 2004 et Mai 2006. Lire aussi : Vrai champagne, faux nom Elles ont permis à Veuve Clicquot de faire face à la forte demande de champagne de ce début de siècle. Elles ont assaini les comptes de Piper Heidsieck en valorisant ses stocks pléthoriques. Et ces pratiques n’avaient rien de frauduleux.
LA FRAUDE N’EST PAS AVÉRÉE
Car on était bien, selon le procureur Matthieu Bourrette, dans le cadre d’une réglementation toujours en vigueur aujourd’hui. Elle concerne “les vins sur lattes”, expression qui désigne en Champagne le stade où l’élaboration des bouteilles est pratiquement à son terme. Cette réglementation stipule, selon le communiqué de presse du Parquet, que “l’élaborateur ou producteur du produit champagne est celui qui procède aux ultimes opérations dites de dégorgement (avant l’ajout de la liqueur de dosage). C’est cette maison qui peut alors légalement se dire producteur du champagne et apposer, outre son gravage, les éléments habituels d’identification, y compris sa marque/…/ sans que cela ne constitue une fraude.” Dans le cas particulier, les bouteilles ont été gravées aux lettres des deux marques puis étiquetées Veuve Clicquot.
MANQUE DE TRANSPARENCE
Cette pratique manque incontestablement de transparence pour le consommateur, mais elle est légale. Beaucoup de voix s’élèvent en champagne pour qu’elle ne soit plus autorisée. Mais elle rend de grands services. Elle perdure parce qu’elle permet de réguler les stocks et de lisser les difficultés de trésorerie. Quant au salarié à l’origine de l’enquête qui vient d’être classée, il annonce son intention de porter le dossier devant la justice européenne. Le conseil des prudhommes a par ailleurs récemment écarté la “faute grave” qui lui était reprochée par son employeur dans le cadre de son licenciement, au profit d’une “cause réelle et sérieuse”. Mais il conteste cette demi victoire devant la Cour d’Appel dans l’espoir d’être totalement blanchi.