En Novembre 2016, à Reims, Tony a été battu à mort par son beau père à l’âge de 3 ans*. Jonathan Lautour, est poursuivi, quant à lui, pour n’avoir pas dénoncé les cris et les coups qu’il entendait chez ses voisins. Il a été relaxé en première instance et en appel. Mais cette relaxe a été cassée. On espérait que cette nouvelle audience devant la Cour d’Appel de Reims, serait la dernière. Mais l’avocate du voisin conteste la pertinence de la loi qui vaut à son client d’être poursuivi. Elle pose une Question Prioritaire de Constitutionnalité. Au delà du débat judiciaire très pointu se pose la question qui interpelle chaque citoyen : quand doit-on dénoncer ?
Maître Ludivine Braconnier (image ci-dessus)estime que l’article 434-3, qui contraint tout citoyen à dénoncer les mauvais traitements sur un enfant , n’est pas suffisamment clair. Ce qui signifierait qu’il porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Avant que le dossier de Jonathan Lautour (image ci-dessus) ne soit jugé au fond, l’avocate demande donc à la Cour de transmettre une QPC à la Cour de Cassation aux fins de saisir le Conseil Constitutionnel. Par cette Question Prioritaire de Constitutionnalité, l’avocate pointe le manque de précision du texte.
QU’EST-CE QU’UN MAUVAIS TRAITEMENT ?
La loi ne définit pas clairement, selon elle, ce qu’est un mauvais traitement. Peut-on le déduire d’une intuition, d’une interprétation ? L’article 434-3 du code pénal ne définit pas davantage, d’après Ludivine Braconnier, ce qu’est la connaissance des faits. “Est-ce que le fait de supposer, d’avoir le sentiment que… vous oblige à les dénoncer ? Et si les faits ne sont pas avérés, on risque de tomber sous le coup d’une dénonciation calomnieuse. Nul n’est censé ignorer la loi, mais comment statuer sur un texte qui ne le permet pas? Ce débat, poursuit l’avocate, aurait dû avoir lieu dans l’hémicycle, pas dans un prétoire.” L’avocat du père de Tony, intervient en tant que partie civile. Et c’est pour partager l’analyse de sa consœur. Selon Maître Olivier Chalot, cette QPC présente un intérêt sociétal. Parce que dans l’état actuel des textes, “nous sommes tous dans la possibilité d’être poursuivis pour non dénonciation. Plein de personnes devraient être là, avec Jonathan Lautour. Lire plus ICI. Où commence le mauvais traitement ?
LA CONCLUSION DU DOSSIER S’ÉLOIGNE ENCORE
L’avocate générale n’adhère pas à cette analyse. Caroline Chope estime que les textes sont suffisamment clairs. Elle demande donc à la Cour de ne pas transmettre la QPC de maître Braconnier à la Cour de Cassation, qui a déjà statué sur le cas du prévenu (en cassant sa relaxe en Juin 2021, ndlr). On saura le 26 Avril si la Cour d’Appel répond néanmoins à la demande de Maitre Braconnier. Dans l’affirmative, la Cour de Cassation transmettra la QPC au Conseil Constitutionnel. S’il prononçait la non-conformité du texte, les poursuites contre Jonathan Lautour s’éteindraient… mais après de très long délais, encore. Lire plus ICI Dans le cas contraire, un nouveau procès serait audiencé à la Cour d’Appel de Reims. Mais là aussi, il faudra sûrement du temps. Jonathan Lautour fait une totale confiance à son avocate dans cette procédure laborieuse. “Je comprends que vous soyez perdu” dit la présidente de la Cour d’Appel de Reims en invitant cet homme usé avant l’âge, à prendre la parole en dernier. Il conclu d’une phrase murmurée : “J’ai l’impression d’être une bouteille de soda qu’on secoue sans arrêt”.
*Loïc Vantal, le beau père de Tony, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle en Novembre 2021. Sa mère, Caroline Létoile qui n’a pas su protéger son enfant, a écopé de 5 ans d’emprisonnement