COMPTE RENDU DE L’AUDIENCE CORRECTIONNELLE
« Dans l’immeuble du quartier des Châtillons à Reims, tout le monde avait entendu hurler Tony à un moment ou à un autre. » Le Président du Tribunal Correctionnel de Reims insiste sur ce point dès le début de l’audience. Un seul voisin, pourtant, est jugé pour n’avoir pas dénoncé les tortures qu’un beau père a fait subir à un enfant de trois ans, jusqu’à ce qu’il en meure. Bien plus qu’un procès, on espérait un débat de société d’où il serait ressorti, sans discussion possible, que le calvaire d’un enfant battu ne peut pas être tu. Ainsi aurait-on pu entendre la culpabilité de ce voisin trop discret tout en le dispensant de peine, comme l’a requis le Procureur de la République Matthieu Bourrette. Mais le Tribunal a choisi de le blanchir. Car comme l’a plaidé la défense, “si on veut faire bouger les consciences il faut tout dire. D’autres savaient, dit Ludivine Braconnier. Le père, la grand’mère, l’amie proche, la voisine, la directrice d’école qui était la maîtresse de Tony, tous avaient de larges doutes. Mon client a agi, peut-être pas comme il aurait dû, mais il a agi.” Cet homme de 34 ans est manifestement éprouvé. “Pour moi c’était inconcevable, ce qui se passait. On ne savait pas, on ne le supposait même pas.” Il dit avoir alerté l’organisme logeur. Mais les employés affirmeront aux enquêteurs qu’il n’est venu que pour se plaindre du bruit. Qui croire ? Son épouse a placardé une affiche dans l’ascenseur incitant à signaler les femmes et les enfants battus. “L’affiche, dit le procureur, corrobore la réalité de la conscience du couple sur la maltraitance de Tony”. “Mais mon épouse ne voulait pas que je monte, elle avait peur”. Elle aurait dû se retrouver à la barre avec son conjoint. Elle est morte d’un cancer avant même qu’on puisse lui signifier sa mise en examen comme c’était prévu. “C’est sans doute pour soulager sa conscience, assène le procureur, que le prévenu a évoqué le calvaire de l’enfant devant les caméras de 7 à 8. « Aie, Aie, c’est tout ce que je connais de sa voix ». Dernier effort de vérité, ajoute Matthieu Bourrette pour pouvoir se dire qu’on est un type bien”. Il entendait ce qui se passait au dessus de sa tête, ses auditions l’attestent autant que son interview télévisée, avec les hurlements du beau père qui promettait à Tony de lui “mettre la gueule dans la pisse” parce qu’il était incontinent. Pourtant, avant même qu’une culpabilité sans condamnation ne soit requise par le ministère public, deux associations de protection de l’enfance ont étrangement plaidé pour la relaxe du prévenu. Au motif que la condamnation de celui qui n’a pas su dénoncer serait de nature à dissuader les lanceurs d’alerte. Malgré la dispense de peine requise par le procureur, le Tribunal est donc allé dans leur sens, au grand dam de Marie Grimaud. Elle est l’avocate de l’association Innocence en Danger qui est à l’origine des poursuites. “Je ne vois pas comment la société peut recevoir un tel message, comment on va pouvoir éviter la mort d’autres enfants dans les mois à venir. C’est un message inquiétant qui a été donné avec une certaine légèreté par le président de ce tribunal. Vous pouvez entendre quelqu’un frapper un enfant, vous pouvez entendre un enfant crier et la justice vient dire que ce n’est pas grave.” Pour Marie Grimaud, le fait qu’une dizaine d’autres personnes aurait pu comparaître aux côté du prévenu ne suffit pas à le blanchir.
LE PRÉVENU A ÉTÉ RELAXÉ EN PREMIER INSTANCE ET EN APPEL MAIS LE PARQUET GÉNÉRAL S’EST POURVU EN CASSATION. LE PRÉVENU SERA DONC REJUGÉ UNE TROISIEME FOIS