Avant de comparaître pour un viol conjugal devant la Cour Criminelle de la Marne, Cédric Ménard a été condamné pour des faits commis dans une autre vie : inceste au long cours sur sa petite fille, violences et maltraitance sur le frère aîné. Et puis, il a écopé de deux années supplémentaires pour un déferlement de coups sur Géraldine*, sa dernière épouse. Six mois plus tard elle a trouvé le courage de dénoncer le viol subi dans la même soirée, un peu plus tard. Pour ce crime, la justice vient d’infliger une peine de 12 années de réclusion à son ex mari. Mais il a fait appel de ce verdict et il sera rejugé.
On a beaucoup de mal à l’entendre parce qu’il parle d’une voix anormalement douce, au point d’en être dérageante. Impassible, inexpressif, Cédric Ménard conteste le viol dont il est accusé par Géraldine*. Et sans doute veut-il aussi faire oublier les violences inouïes qu’il lui a infligées un peu plus tôt. La vidéo de cette avalanche de coups est difficilement soutenable. Elle dure 7 minutes, plongeant la salle d’audience dans un silence de plomb.
“UNE RAGE NARCISSIQUE”
Le Docteur Raymond Videlaine, qui a expertisé l’accusé, a rendu son rapport devant les juges de la Cour Criminelle de la Marne juste avant cette projection. L’expert psychiatre est resté dans la salle. Il demande l’autorisation de reprendre la parole. Et c’est pour affirmer que les actes sexuels qui ont suivi les coups sont bien dans la continuité d’une même “rage narcissique”. Cette approche clinique conforte le sentiment de ceux qui découvrent les faits : il ne s’agissait évidemment pas d’un acte d’amour mais d’une suite encore plus violente, par le viol. Le premier temps de cet enfer a été filmé par les caméras de surveillance du bar de Geraldine. Les images sont là. Il ne peut pas les contester. Alors il prétend qu’il ne se souvient de rien. La Présidente de la Cour se montre très étonnée par cette amnésie qui surgit à l’audience. Grâce aux rayons infra rouges, les caméras ont filmé, même après que Cédric Ménard ait pris la précaution d’éteindre la lumière, pour frapper encore. « Quand j’ai vu qu’il éteignait pour continuer, je me suis dit que je ne m’en sortirai pas » dit Géraldine. Sa voix n’est pas enregistré, mais la menace a été clairement exprimée : “Je vais te crever”. Sa fille aînée a tout entendu depuis sa chambre. Elle a pensé qu’elle allait perdre sa maman. Elle a appelé son père, l’ex mari de Géraldine. Et c’est lui qui alertera la police, vidéo à l’appui. “Si ma fille n’en avait pas parlé à son père, je serais restée. Je l‘aimais.” Elle espérait encore sauver le couple quelle avait idéalisé.
L’EXCUSE DU CONSENTEMENT SILENCIEUX
Ce soir du 27 avril 2021, quand il s’arrête enfin de cogner et de l’humilier, elle fait les gestes habituels de la fermeture du bar, la caisse, le rangement… comme un automate. Et elle monte se doucher. Elle s’affale sur le lit où il a déjà pris sa place, comme tous les soirs. Tout pour ne pas inquiéter ses trois enfants, alors âgés de 7, 9 et 13 ans. L’avocate de la défense, maître Juliette Sygut, suggère que ce comportement de la jeune femme, conforme à ses habitudes, ne pouvait pas dissuader son client d’avoir un rapport, lui aussi très habituel . “Est-ce qu’il savait qu’elle ne voulait pas ?” demande l’avocate pour tenter un justification. La seule touche d’humanité que son client a été capable de produire tient en cette phrase prononcée plus tard devant les enquêteurs. “Je me méprise, j’ai honte de ce que j’ai fait, mais maintenant je sais.” Car le sexe brutal est arrivé après les coups. Ils sont le prolongement de ce qui aurait pu se limiter à une scène de ménage banale, pour des raisons futiles, après la fermeture du bar qu’ils tenaient ensemble. Cette fois, la sodomie est violente, sans préliminaire ni préparation. Elle serre son oreiller pour ne pas hurler. “Je suis un buffet, il se sert.” “Ce qui s’est passé ce soir-là, est une punition, dira son avocat Camille Romdane (ci-dessus). Le viol termine ce qu’on a commencé sur l’objet qu’elle est devenue”. “Il m’aurait frappée si je m’étais opposée” dit encore Gwendoline à la barre. Et pour conclure, le viol est ponctué par un SMS : “ profite bien parce que c’est la dernière fois.” Ces mots pervers sont presque une signature : on apprendra qu’il les a utilisés dans une précédente rupture. Ce qui renvoie au passé glauque et terrifiant de cet homme.
UN PASSÉ TROUBLE
Géraldine a été rapidement séduite par Cédric Ménard à un moment où sa vie n’était pas simple. Il lui fait espérer des jours meilleurs. Et le mariage est célébré quelques semaines plus tard. Lire ICI. Elle ignore absolument tout du passé inquiétant de son mari. Sa précédente épouse est tombée dans le coma alors qu’elle était enceinte de leur fille. Chanel* est née d’une maman inconsciente qui mourra en lui donnant la vie. DJ et organisateur de soirée de son état, Eric Ménard a la charge de cette enfant. Elle vit sous son toit avec un demi-frère et une demi-sœur adolescents. Ces jumeaux, Cyndie* et Jordan*, sont nés d’une précédente union de la maman hospitalisée. LIRE ICI. Et dans ce huis clos entretenu par le père, le pire se produit. Il ne scolarise pas Chanel, et elle subit l’inceste, sur plusieurs années. Ces abus sexuels vaudront une condamnation de 5 ans fermes à Cédric Menard. Jordan, lui, est maltraité au point de peser 35 kilos pour 1m75. Ces faits ont été punis d’une peine d’un an ferme. Quant à Cyndie, elle a sans doute été la maîtresse de son beau-père alors qu’elle était encore mineure, pendant que sa mère enceinte et inconsciente survivait en réanimation. Jordan a expliqué aux enquêteurs que l’adolescente succédait à la fillette dans le lit de l’homme de lamaison. C’est aussi la conviction d’une des ex compagnes de l’accusé. Séduite sur un site de rencontre, cette femme est venue s’occuper de la famille très particulière de Cédric Ménard. Mais le jour des 18 ans de Cyndie, il l’a “mise dehors” avec ces mots : “J’espère que tu as apprécié, parce que cette fois, c’est la dernière”.
SÉDUIRE, SANS RELÂCHE
Cyndie a eu un fils de Cédric Ménard, mais il refuse toujours de le reconnaître. Elle a été la seule à le décrire comme “un homme gentil… sauf si on le contrarie”. Mais elle mentionne tout de même une gifle qui a failli lui faire perdre un œil. Elle est restée longtemps à son entière dévotion, en clamant son innocence. Mais ses visites au parloir ont tout de même fini par s’interrompre. Une autre femme l’a remplacée depuis. Un droit de visite lui a été accordé, trois fois par semaine, en sa qualité revendiquée de concubine du moment. Elle assiste à l’audience sans rien perdre des débats. Ses tenues vestimentaires très féminines révèlent étonnamment un besoin manifeste de plaire à l’accusé qui fait mine de ne pas la voir. Et malgré tout ce qui se dit sur le passé de son “concubin”, son soutien paraît indéfectible. Maître Romdane a peut-être ébranlé sa confiance quand il a tenu à verser au dossier cette image très particulière : Cedric Ménard s’est photographié torse nu dans les douches de la maison d’arrêt, dans une posture qui se veut avantageuse. Et c’était pour mieux séduire une autre femme, récemment épinglée sur un site de rencontre, une fois encore. Cette relation là s’est achevée assez vite. L’intéressée a compris suffisamment tôt que tout était faux dans ces échanges qui promettaient des rendez vous toujours annulés. Ses recherches sur internet lui ont permis de découvrir le vrai visage de celui qui avait su la faire rêver quand elle traversait une passe difficile.
UN RÉQUISITOIRE INDIGNÉ
Le comportement de cet homme de 47 ans reste inquiétant. Il laisse peu de place aux circonstances atténuantes. “Il a marqué à jamais les personnes qui l’ont rencontré” dit l’avocate générale. Elle ajoute qu’il à une fâcheuse tendance à inverser la culpabilité. Il frappe son épouse mais avec des reproches. “Regarde dans quel état tu me mets ! “ Florianne Tappon salue surtout le courage de la victime. Elle a pu dénoncer ce viol après quelques mois quand d’autres n’y parviennent pas, même après plusieurs années. Et elle a tenu de surcroît à une audience publique. Quant à l’amnésie de Cédric Ménard sur le tabassage de son épouse, elle constitue selon le ministère public, “une tentative grotesque de manipulation”. “Vous n’aviez pas le droit de faire cela. Votre impunité se termine ici” conclut la magistrate en requérant une peine de 14 années de réclusion criminelle.
POURQUOI TANT DE NOIRCEUR ?
Cédric Ménard aurait pu sortir de prison dans 4 ans si ce viol n’avait pas été dénoncé. Sa condamnation à 12 ans de réclusion criminelle assombrit considérablement son avenir. Mais le psychiatre a mentionné un risque important de récidive chez cet homme qui refuse de prendre conscience de son comportement. Comme l’a rappelé la présidente de la Cour à plusieurs reprises, il a tendance à se victimiser, à manipuler, allant jusqu’à suggérer aux enquêteurs d’être plus efficaces pour identifier celui qui a réellement abusé de sa fille Chanel. « Manipulateur, menteur, violent »…sa famille, (sœurs, frère, et mère) a un jugement particulièrement sévère sur lui, tout comme les relations qu’il a pu avoir dans ses activités de DJ ou d’organisateur de soirées. Aucune de ces personnes ne suit le procès. Et malgré l’insistance de la présidente, l’accusé refuse d’évoquer son passé. C’est pourtant ce qui permet parfois de mieux comprendre un criminel, d’atténuer sa responsabilité. Cette fois, on ne sait rien de ce qui a fait de cet homme de 47 ans un personnage insignifiant et terrifiant à la fois …si ce n’est son besoin impérieux d’avoir toujours une ou plusieurs femmes dans sa vie.
*Prénoms modifiés.
Cédric Menard a fait appel de sa condamnation. Il sera rejugé en Cour d’Assises.