LE CHAMPAGNE DE VIGNERON SE VEND MAL…OU TRÉS BIEN SELON LES CAS

Avec 306 millions de bouteilles expédiées en 2016 , la Champagne a perdu 2% de son marché  par rapport à  l’année précédente. C’est une nouveauté si on s’en tient aux statistiques de l’appellation, c’est  une tendance lourde depuis près de 10 ans si on s’intéresse aux seuls champagne de vignerons : le tassement de leurs ventes atteint  24% sur cette période, dont 2,3% sur la seule année 2016.
Pourtant le champagne de vigneron n’a jamais eu autant la cote chez les connaisseurs. Au point que bien des petits  producteurs ne connaissent pas la crise.

 

Il y a tant de passion chez ces jeunes viticulteurs, tant de talent aussi. Les grandes tables les ont repérés depuis quelques années déjà. Le consommateur adore qu’on l’initie à ces champagnes de terroir qu’il connaît mal. Ces dégustations privilégiées portent leur fruit. On l’a vu avec  le bar éphémère qui s’était installé pour  la première fois l’été dernier sur l’Avenue de Champagne à Epernay.  Les visiteurs, étrangers le plus souvent, ont été surpris et séduits par la découverte de ces champagnes de propriétaires. Certains d’entre eux savent déja valoriser leur production , y compris à l’étranger. Leur dynamisme commercial a fait progresser les exportations des récoltants de 20% sur les dix dernières années, pour atteindre 7 millions de bouteilles. C’est encore trés insuffisant. Car 90% des champagnes de vignerons sont  vendus en France, là où le recul des ventes de champagne, toutes origines confondues,  est trés sensible.

LA TENTATION DU NÉGOCE

Les 4500 vignerons qui élaborent du champagne n’ont évidemment pas tous  la bosse du commerce, parce que c’est un autre métier. Et on comprend  qu’ils renoncent à produire des bouteilles qui se vendent mal. Les terres transmises de génération en génération sont de plus en plus morcellées. Les charges et  les pressions administratives s’alourdissent. Difficile dans ce contexte de résister aux offres des grandes maisons du négoce qui vous proposent le paradis sur terre.   En achetant votre raisin à un bon prix, ou mieux encore, en vous déchargeant totalement de l’exploitation de vos vignes, récolte comprise, à des conditions trés avantageuses. Les derniers chiffres publiés des expéditions de champagne concernent le mois de Janvier . Elles  sont en progression de 9% pour le négoce par rapport à Janvier 2016, et en recul de 12% pour le vignoble. Les petits producteurs  multiplient pourtant les initiatives pour valoriser l’image de leurs vins. Le classement UNESCO favorise ces manifestation, le Printemps des Vignerons s’étoffe d’année en année…mais ça ne suffit pas.  Si elle s’accentuait, la main mise du négoce serait pourtant une menace sur le partage des richesses dont le vignoble bénéficie encore en vendant sa récolte. Mais jusqu’à quand ? Et si les cours du raisin ne se maintenaient pas, il sera difficile de renverser la situation.Parce que les  vignerons, en cessant d’élaborer leur vins, seront irrémédiablement dépossédés de leur savoir faire.

 

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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