La Commission des Viticultrices de la Champagne a parfois été comparée à «un salon de thé», au point d’être menacée de disparition. Fraîchement élue à la présidence de cette composante du Syndicat Général des Vignerons, Séverine Couvreur, (image ci-dessus) a bien l’intention de mettre cette réputation en pièce. Dans la salle panoramique des Terroirs et Vignerons de Champagne, à Chouilly, le programme de l’Assemblée Générale de la Commission a été plus qu’un bon début, pour les femmes et pour la planète.
A 6 jours de la journée internationale des droits de femmes, l’AG de la Commission des Viticultrices s’est évidemment intéressée à la condition de celles qui font le champagne. Et comme dans bien des secteurs d’activité, les femmes du vignoble ont gagné leur statut de haute lutte.
INVISIBLES
Avant les années 80, le statut des femmes qui travaillent sur l’exploitation est tout simplement inexistant, explique Aurélie Melin à la tribune. Cette ethnologue de l’institut Chappaz ajoute qu’il a fallu un combat de 30 ou 40 années pour que leur part de travail soit administrativement reconnue. Il faut encore attendre la fin du second millénaire pour qu’apparaisse un statut de conjoint collaborateur. Mais jusqu’en 2006, l’autorisation de l’homme est la condition qui permet à la viticultrice d’en bénéficier. «Le but, commente Aurélie Melin, c’est de rendre les femmes invisibles.» Invisibles, c’est bien le mot. Océane Carneiro le confirme à son tour. Elle est doctorante à l’institut Chappaz. La thèse qu’elle prépare est consacrée aux viticultrices de la Champagne. Son premier constat est éloquent. Dans les archives du SGV elle n’a trouvé qu’un seul cliché qui fasse apparaître une femme dans les vignes. Et pourtant…
40% DE FEMMES A LA TÊTE DES EXPLOITATIONS
Avant même d’avoir une existence administrative, les femmes ont toujours œuvré dans les vignes insiste Océane Carneiro. L’accès à la propriété se fait généralement par succession. Et la transmission privilégie volontiers les fils, et même les gendres, au détriment des filles. Mais les choses évoluent. La mise en commun des parcelles n’est plus la règle au sein d’un couple de vignerons, comme si les femmes voulaient garder la main sur leur terre. Aujourd’hui la Champagne est bien le plus féminisé des vignobles de France. Les femmes dirigent 40% des exploitations (contre 10 % il y a 40 ans), mais ce sont des exploitations de plus petites tailles. La répartition genrée des tâches est un autre constat. Les femmes ont une responsabilité administrative ou commerciale. La vinification, qui fait partie de la noblesse du métier revient rarement aux femmes. Elles sont par ailleurs sous-représentées syndicalement. Et il reste beaucoup à faire dans la prise en compte de la maternité des femmes exploitantes, superbement ignorée par la Mutualité Sociale Agricole.
DES FEMMES ENGAGÉES
Le rôle majeur des viticultrices champenoises est donc insuffisamment pris en compte, mais il est incontestable. La présidente de leur commission au sein du SGV a insisté sur la nécessité de renforcer leur influence au sein de la filière, et plus généralement dans l’avenir des exploitations. Séverine Couvreur a tenu à sensibiliser ses troupes au développement durable et à la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise. La RSE prônée par Sophie Leclerc dans une intervention très inspirante. Cette éminente spécialiste du marketing digital a été happée par l’irrésistible besoin de se reconnecter au vivant. Elle est la cofondatrice de Treebal, une messagerie éco responsable. Elle fait partie des pionniers qui se sont engagées depuis deux ans dans l’aventure de la Convention des Entreprises pour le Climat. L’objectif de ces entrepreneurs est de promouvoir une économie régénérative, peu consommatrice d’énergie. Les viticultrices l’ont écoutée avec beaucoup d’attention.