L’homme qui a mortellement poignardé une infirmière au CHU de Reims souffre de schizophrénie et de paranoïa. Selon le Procureur de la République de Reims, il en voulait aux « blouses blanches ». Tout comme sa mère, la personne chargée de sa curatelle a signalé plusieurs fois sa dangerosité, en vain. Son psychiatre considérait qu’il était stabilisé par son traitement. Mais tout indique qu’il évitait de prendre les psychotropes prescrits. Il avait déja frappé 4 personnes à coups de couteau en Juin 2017.
Carène Mezino avait 37 ans. Ses enfants sont âgés de 8 et 11 ans. Elle est morte d’une hémorragie interne, poignardée par un homme qui ne l’avait jamais vue.Il avait acheté un couteau de cuisine juste avant de se rendre au CHU de Reims.Il ne connaissait pas davantage sa collègue, agressée elle aussi dans le vestiaire de l’unité de «médecine et santé au travail». Cette secrétaire médicale devrait se remettre de ses blessures.
LA DÉTESTATION DU CORPS MÉDICAL
Tout s’est passé très vite ce 22 Mai, vers 13H30. L’agresseur n’avait aucune raison médicale de se trouver là. Avant son passage à l’acte, il a déambulé quelques minutes dans ce service en exprimant sa détestation des soignants. Entendu après une interpellation très rapide, il a répété qu’à chaque fois qu’il rencontrerait une blouse blanche «il la planterait» pour se venger. Il a indiqué qu’il pensait à cette agression depuis des mois, qualifiant les psychiatres de « criminels, assassins, faux cul et faux jeton ». Schizophrène et paranoïaque , il considère en effet que les psychiatres ont gâché sa vie. Il voulait s’acheter une voiture et la conduire, mais son traitement le lui interdisait.
DES ANTÉCÉDENTS LOURDS
Reconnu adulte handicapé, il fait l’objet de soins psychiatrique depuis une quarantaine d’années. Sa pathologie sévère (syndrome persécutif et psychose chronique depuis l’adolescence) est à l’origine d’un précédent passage à l’acte en 2017, alors qu’il avait interrompu son traitement psychotrope : agression au couteau de 4 personnes employées dans un Établissement d’Aide par le Travail de Châlons-en-Champagne, où il travaillait lui même. Ces violences lui avaient valu une nouvelle hospitalisation, suivie de deux autres en 2020 et 2021. Il faisait par ailleurs l’objet d’une mesure de curatelle renforcée jusqu’en mars 2024.
UN DANGER DIVERSEMENT ÉVALUÉ
La personne chargée de sa curatelle a demandé son dessaisissement en octobre dernier en raison d’une dangerosité potentielle et imprévisible, estimant que la pathologie psychotique de cet homme nécessitait un suivi médical permanent. Tout comme sa mère, elle a plusieurs fois exprimé ses craintes d’un nouveau passage à l’acte. Elle était persuadée que le traitement prescrit n’était pas suivi par le patient depuis plus de deux ans. Le psychiatre considérait quant à lui qu’il était stabilisé. Il venait en effet prendre ses cachets tous les jours au Centre Médico Psychiatrique, l’ingestion se faisant devant un infirmier pendant la semaine…sans que l’absorption des cachets ne soit vraiment vérifiée. Un sachet de comprimés est par ailleurs confié au malade pour le week-end.
CRIME DE HAINE OU DE FOLIE
Il se trouve que plusieurs cachets ont été retrouvés sur l’agresseur, et à son domicile après perquisition. A l’occasion d’une conférence de presse, le Procureur de la République de Reims Matthieu Bourrette a indiqué que l’information judiciaire qui s’ouvre devrait permettre de cerner la personnalité du mis en examen des chefs d’assassinat et tentative d’assassinat. Il est aujourd’hui détenu en unité hospitalo carcérale. Il s’agit maintenant de retracer les modalités de la prise en charge médicale, de mesurer l’impact d’une éventuelle rupture des soins par le patient. Car elle pourrait être à l’origine du meurtre, crime de haine ou de folie selon les mots du Procureur.