La Cour d’Assises des Yvelines a condamné Michel Fourniret à perpétuité pour l’assassinat crapuleux de Farida Hammiche en 1988. Monique Olivier, son ex épouse, écope 20 années de réclusion pour complicité. Verdict sans enjeu apparent, puisque le couple est déja condamné à perpétuité depuis le procès de Charleville en 2008. Ils étaient alors jugés pour une série de sept crimes, sept fillettes ou jeunes femmes recensées comme des victimes du prédateur sexuel. A Versailles, la famille de Farida attendait des accusés qu’ils lui indiquent le lieu où son corps été enfoui il y a 30 ans. On espérait aussi des aveux sur d’autres disparitions non élucidées. En vain.
Ce procès aura été le raccourci du premier même si on a finalement pu écarter tout connotation sexuelle dans l’assassinat de cette jeune femme de trente ans. Fourniret a tué Farida Hammiche pour mettre la main sur un magot de pièces et de lingot d’or, tout ou partie du magot du « gang des postiches » . Mais comme pour ses autres crimes le comportement du couple avant, pendant et après le crime n’inspire que du dégoût.
L’HISTOIRE DANS L’HISTOIRE
Farida était l’épouse de Jean-Pierre Hellegouarche, un escroc et traficant de drogue proche d’Action Directe. Elle l’aimait au point d’aller l’épouser en prison. Le truand avait été extrait de sa cellule pour venir déposer comme témoin au procès de Charleville. Cette fois c’est comme partie civile qu’il s’exprime devant la Cour d’Assises des Yvelines. Michel Fourniret a tué celle qu’il aimait, il ajoute « beaucoup », et qui était belle, il précise « très belle ». Il était de 15 ans son ainé, mais si important dans sa vie qu’elle est restée à ses côtés, « même si je n’étais pas porteur d’avenir ». Jean-Pierre Hellegouarche s’est peut-être rangé depuis, et malgré ses 75 ans il sait encore jouer de son charisme. « Fourniret parle de ça comme s’il s’agissait d’un trafic de cigarettes, mais s’il est pourri jusqu’à la moelle c’est son problème, pas le mien. Moi je veux savoir ou est Farida pour qu’elle ait une tombe. Ce n’est pas une histoire d’argent. » D’argent, ou plutôt d’or, il en a tout de même été beaucoup question entre ces deux là.
Ils se sont croisés dans une cellule de Fleury Mérogis où le prédateur attendait déjà d’être jugé pour une première série d’agressions sexuelles. « Moi, dit l’ancien bandit, j’étais plutôt amusé par ce qu’il était, par son comportement qui n’était pas adapté au régistre pénitentiaire. Il m’inspirait confiance, une forme d’amitié s’est nouée, amitié de tranchée liée aux circonstances, je ne voyais pas qu’il était maléfique. » Toujours est-il que c’est à Fourniret qu’il demande d’aller déterrer un trésor enfoui à l’arrière d’une tombe dans un cimetière de Fontenay-en-Parisis à sa libération. Ce magot dormant, plusieurs dizaines voire centaine de kilos d’or-on ne saura pas vraiment- lui a été signalé par Gian Luigi Esposito. Lui même en avait eu connaissance par un membre du fameux « gang des postiches » dont il était proche. Farida est ainsi missionnée par son mari pour conduire Fourniret là où le magot est enterré. Et c’est alors qu’on sort du grand banditisme pour retomber dans le sordide.
LES FOURNIRET DANS LEURS OEUVRES
Le butin est déterré sans grande difficulté et transporté chez Farida. Fourniret se chargera de fabriquer une cache dans le plafond de son appartement pour le mettre à l’abri. Il touche une commission de 500 000 francs, peut-être, car les protagonistes restent trés flous à l’audience. Mais après réflexion il s’estime lésé. Il en veut davantage. » Il a dit qu’il tuerait Farida si elle n’acceptait pas », raconte Monique Olivier très péniblement. « Je suis désolée de dire ça pour la famille. » Les deux couples Hellegouarche et Fourniret sont amis à l’époque, au point d’échafauder le projet commun d’une immense ferme où on vivrait chacun chez soi mais très proches, dans une grande fraternité. Voilà comment les Fourniret persuadent Farida d’aller faire un tour du côté de Saint-Cyr-les-Colons, un soir d’Avril, de nuit, pour y repérer la ferme qui pourrait devenir la leur. Monique Olivier est au volant. Elle est alors enceinte de Sélim.Une fois sur place Fourniret veut étrangler Farida dans la voiture, elle parvient à s’échapper, il la rattrape . » Ne me tue pas comme ça ! » ce sont les dernières paroles de Farida qui a peut-être reçu quelques coups de baïonnette avant d’être étranglée. Michel Fourniret charge son corps dans le coffre. Monique Olivier entend qu’elle gémit encore quand Ils reperennent la route. A quelques kilomètres de là, Farida est enterrée à mains nues, c’est ce que lui dit Fourniret quand il remonte dans la voiture. Et la vie reprend son cours. Ils font semblant de s’émouvoir de la disparition de Farida auprés de sa famille. Ils participent tous les deux aux recherches quand ses sœurs tentent de la retrouver. Monique Olivier va même voir Hellegouarche au parloir à deux reprises, pour lui dire toute sa compassion. Quand Sélim naît un peu plus tard, c’est Hellgouarche qui en devient le parrain, même s’il dit devant la Cour ne pas avoir été vraiment informé de cette touchante attention. A sa sortie de prison, le taulard rend visite à ses amis dans leur petite masure de Floing. Michel Fourniret joue le dénuement total, au point de n’avoir pas de quoi se payer le coiffeur. « Il pleure misère » raconte Jean- Pierre Hellgouarche qui lui a même coupé les cheveux. « Il n’a honte de rien ». Il ignore alors que le magot a été réinvesti dans des voitures et des biens immobiliers, dont le fameux Château de Sautou à la frontière Belge. « J’ai compris qu’il m’avait enfumé après des années. » Quand il est libéré, il parvient à localiser les Fourniret. « Je veux régler l’affaire moi même dans un esprit de vengeance. Je rode autour du château, conscient que je vais au devant des complications. » Il tire deux coups de feu mais Fourniret lui échappe. Hellegouarche peut difficilement se plaindre à la justice d’avoir été floué, mais il dénonce Fourniret pour l’assassinat de Farida. La plainte n’est pas trés étayée, elle est classée sans suite. Il faudra les aveux de Monique Olivier, en 2004 pour que Fourniret soit poursuivi dans ce dossier
LES CLÉS DE MONIQUE OLIVIER
Malgré l’insistance de la famille de Farida, aucun des deux accusés n’a voulu ou pu dire où elle a été enterrée. C’était il y a trente ans, la mémoire peut défaillir. Reste que Fourniret a déja littéralement baladé les enquêteurs sur le terrain, il y a quinze ans, quand ils ont tenté de retrouver le corps de la victime. Il a d’abord exigé qu’ils régularisent son dossier de retraite, qu’ils lui fournissent un hélicoptère ou encore du sable en quantité suffisante pour lui permettre de réaliser une maquette de la carrière où Farida est peut-être enterrée. La manipulation, grande spécialité de Michel Fourniret, ne peut jamais être écartée. Mais cette fois, le psychiatre qui l’a expertisé peu avant l’audience évoque un Alzheimer débutant. Il relève des signes d’altérations de sa mémoire et de ses capacités cognitives. C’est d’ailleurs parfois sensible à l’audience. Cette dégradation n’est pas confirmée par les psychologues, mais on comprend tout de même qu’il y a urgence à percer tous les secrets des accusés. L’absence de crimes connus dans le parcours de Michel Fourniret, étrange silence criminel entre 1990 et 2000 ne peut pas correspondre à une réalité. Les experts sont unanimes. Michel Fourniret n’a jamais parlé qu’aprés les aveux de Monique Olivier et ses secrets sont en réalité un moyen de jouer de sa toute puissance. Aux Assises des Yvelines, l‘avocat général a requis la même peine pour les deux accusés. Les jurés ne l’ont pas suivi aprés la plaidoierie son avocat, Richard Delgenes. « Il y a une différence entre celui qui ne dit rien et celle qui dit tout. »
C’est donc bien Monique Olivier qui pourra lever les zones d’ombre de bien des enquêtes inachevées. Sait-elle ce que personne ne sait encore pour Estelle Mouzin ? Parlera-t-elle pour d’autres victimes comme elle vient de le faire pour Joanna Parrish et Marie Angèle Domece ? Elle a sans doute les clés de bien des mystères. A Versailles elle a été capable de manifester une compassion totalement absente il y a 10 ans. Mais la justice française ne prévoit rien qui encourage les dénonciations. « On voudrait qu’elle dise tout, mais quand elle parle on dit qu’elle est pire que lui » dit Richard Delgenes