Le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne a été reçu comme un aboutissement en Juillet 2015… mais ce n’était qu’un début. Les champenois avaient mis 10 ans pour décrocher cette reconnaissance suprême. Leur revient aujourd’hui le devoir d’en être à la hauteur, d’adapter leur pratiques et d’embellir leur environnement, sans relâche. La prise de conscience n’a pas été immédiate. Elle se manifeste aujourd’hui sous la forme d’initiatives très diverses. Un travail de fourmi pour un chantier immense.
Le président de la mission UNESCO, ne rate jamais l’occasion d’aborder le sujet en commençant par une boutade. La priorité, pour Pierre Emmanuel Taittinger, serait d’avoir partout des toilettes impeccables. La plaisanterie fait mouche à chaque fois, mais elle a surtout le mérite d’interpeller l’auditoire sur la nécessité de faire disparaître les points noirs du paysage.
UN MOT D’ORDRE : « SUPPRIMER LES VERRUES »
Et commencer par les identifier.La Mission UNESCO, dirigée par Amandine Crepin, s’est tournée vers un photographe professionnel. Depuis quelques semaines Benjamin Segura sillonne les espaces de transition de la Colline Saint Nicaise à Reims jusqu’à l’Avenue de Champagne à Epernay en passant par la Montagne de Reims. Ce que son objectif révèle aurait pu s’imposer d’un regard à chacun d’entre nous : les poubelles et l’état des voiries gâchent à eux seuls les sites les plus prestigieux. Ses clichés devraient permettre de sensibiliser les élus au fait qu’on peut améliorer un site au moindre coût. Dans le vignoble, c’est le Comité Champagne qui s’y colle en la personne d’Alexandra Bonomelli. Le CIVC a mis l’accent pour commencer sur 3 sites pilotes : les côteaux historiques de la Marne, les Riceys dans l’Aube et Azy-sur-Marne dans l’Aisne. Un bureau d’étude a réalisé des diagnostics paysagers. Toutes les verrues sont recensées, localisées par des balises GPS. L’objectif est de faire disparaître les tôles, les pneus, les pylônes EDF utilisés en soutainement des talus ou pour canaliser les cours d’eau . Des subventions sont débloquées pour encourager la plantation de haies. Elles embellissent les côteaux en favorisant par la même occasion la culture raisonnée. Les prédateurs qu’elles abritent éloignent les ravageurs du vignoble, devenant ainsi des auxiliaires de culture. Vingt kilomètres de haies ont ainsi été plantés en 3 ans ce qui reperésente 20 000 arbustes . La certification viticulture durable, de plus en plus recherchée par les vignerons, joue son rôle dans cette dynamique. En réglementant la publicité, la signalétique, la propreté des abords des bâtiments et leur intégration paysagère, elle encourage l’embellissement du vignoble.
DES INSTITUTIONS ET DES HOMMES
Le milieu urbain n’est pas en reste. Epernay a élaboré une zone de protection (ZPPAUP) pour une rénovation des façades réglementée, afin de s’inscrire dans le patrimoine de la ville. Reims de son côté vient de délimiter une aire de mise en valeur de l’architecture (AVAP) sur la colline Saint Nicaise. Des villages se lancent de la même manière dans des AVAP multicommunales. Elles pourront encadrer la création des prochains lotissement dans ces villages implantés en chapelet sur un même côteau. Ce travail en profondeur nécessite des investissement lourds dont les résultats ne seront visibles qu’à long terme. Mais au delà de ce cadre institutionnel, l’évolution des mentalités est manifeste. « Il y a dix ans, le vignoble craignait les contraintes, dit Amandine Crépin, aujourd’hui on nous appelle au secours . Le traumatisme des guerres a provoqué une amnésie patrimoniale en champagne, on a tout misé sur l’économique, en négligeant l’oenotourisme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le tourisme est perçu comme une composante du développement économique, une nécessité . On ne résoudra pas tout sur les 320 communes du vignoble , mais les comportements vertueux se multiplient ». Quelques jeunes vignerons, souvent aprés des séjours à l’étranger, ont une conscience aiguë de l’immense privilège d’un classement l’UNESCO. Une association de vignerons du Sezannais s’est même donné pour mission d’y sensibiliser les viticulteurs. Vincent Léglantier, son président, veut cultiver chez chacun de ses adhérents la fierté d’être champenois. Allant jusqu’à leur proposer des conférences qui portent leurs fruits. Ainsi l’intervention de l’historien Patrick Demouy a-t-elle pu révéler à certains que l’histoire de leur terroir est unique et qu’ils en sont les héritiers. Ce travail de fond permet,selon Vincent Léglantier, de modifier les comportements. « Ceux qui auront eu cette prise de conscience sauront accueillir le touriste autrement, bien au delà de l’embellissement d’un caveau ou d’une enseigne. L’oenotourisme ne doit pas se limiter au bouquet de fleur accroché sur un pupitre à bouteille devant la porte. Il doit s’inscrire dans notre culture. »
La deuxième édition du « Séjour des réconciliations », temp fort de la célébration du classement UNESCO,se déroulera du 22 au 25 juin 2017 . Lire plus sur www.sejourdesreconciliations.fr
Images CIVC