« Djihad » est un spectacle où l’on assiste, entre humour et gravité, à la désillusion de trois candidats à la guerre sainte, endoctrinés sur les réseaux sociaux jusqu’à ce que leur expérience syrienne leur ouvre les yeux. Cette pièce de l’auteur belge Ismaël Saïdi s’est vite imposée, en Belgique puis en France, comme un moyen de débattre autour de la radicalisation afin de mieux la combattre. Elle est gratuitement jouée ce vendredi devant un public d’adolescent au théâtre du Chemin Vert de Reims à l’initiative de la Préfecture et grâce à la mobilisation de l’Education Nationale et de la Ville. La radicalisation s’affiche assez peu dans les établissements scolaires, elle génère peu de frictions, mais on sait qu’elle existe et les enseignants y sont attentifs parce que le problème est aussi discret que réel.
« Ici au lycée Europe, commente Laurence Dromzee, certaines élèves arrivent jusqu’à la porte avec un voile et une robe longe , mais elles se changent avant d’entrer -NDLR : les élèves sont très majoritairement des filles-, d’autant que leur formation de coiffeuse ou d’esthéticienne exige un uniforme. » Le règlement est donc respecté, mais est-ce suffisant ? « Il peut arriver qu’une maman s’inquiète pour sa fille parce qu’elle change de comportement ou de fréquentation dit encore Laurence Dromzee. Je lui conseille de le signaler. Et je le signale aussi à la Préfecture, après mûre réflexion même si je n’ai pas le sentiment de faire de la délation s’agissant d’un sujet aussi grave. C’est arrivé deux fois en un an et demi. Ce n’est pas anodin. On n’est à l’abri nulle part. Dans le département des Ardennes, dont je suis originaire, entre 30 et 50 jeunes sont surveillés. Un élève du Lycée Monge de Charleville Mézières a été arrêté à la frontière syrienne. » Pourtant le sujet reste encore tabou. C’est la raison pour laquelle la proviseure du Lycée Europe suivra la représentation de « Djihad » avec beaucoup d’attention, comme les échanges qui suivront. « Je pense que cela correspond à un besoin, à une attente, parce que les professeurs ne sont pas à l’aise avec ce sujet. C’est bien que nos élèves puissent y réfléchir avec eux, aborder le sujet en dehors d’un cours et dans un contexte culturel qui plus est, donc en toute liberté. » Les enseignants qui encadrent cette opération pourront y revenir plus facilement après cette représentation qui, bien au delà du divertissement, devient véritable outil pédagogique.