Le corps de Steve Maia Caniço, a été retrouvé dans la Loire le 29 Juillet 2019. Sa disparition en marge de la fête de la musique de Nantes, a suscité de vives critiques de l’intervention des forces de l’ordre. Mais pour Sylvie Herbin et son mari, ce drame doit poser d’autres questions. Ces commerçants de Reims ont perdu leur fils il y a cinq dans une soirée « techno » parce qu’il était était sous l’emprise d’une substance toxique. Ils se battent depuis pour que la responsabilité des organisateurs soit mise en cause dans les drames trop nombreux qui émaillent ces soirées. Ils ont écrit dans ce sens aux Ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé. Agnès Buzyn vient de leur répondre.
POUR STEVE, QUI EST VRAIMENT RESPONSABLE ?
Après la disparition de cet éducateur scolaire de 24 ans, le 22 Juin à Nantes, L’IGPN, ou “police des polices”, puis l’IGA, Inspection Générale de l’Administration, ont été saisies pour préciser les conditions de l’intervention des forces de l’ordre peu après 4 heures du matin. Intervention violente et disproportionnée selon de nombreux participants. La police voulait ainsi réduire au silence celui des 9 sound systems qui ne s’est pas exécuté à l’heure qui avait été convenue. Il s’agissait de mettre fin à une fête dont les échos peuvent perturber le sommeil des voisins jusqu’à plusieurs kilomètres à la ronde. Et c’est bien ce qui a déclenché les hostilités selon le rapport de l’IGA. Autre certitude : l’alcool et la drogue ont circulé ce soir là comme dans tout rassemblement techno, abondamment et impunément. Une quinzaine de participants a sauté dans la Loire pour fuir les bombes lacrymogènes et grenades de désencerclement alors utilisées par les forces de l’ordre. Cette stratégie a provoqué les plus vives critiques. L’IGA a pointé un manque de discernement. Le Ministre de l’intérieur a demandé la mutation du commissaire Chassaing en charge de l’opération « dans l’intérêt du service». Steve, qui ne savait pas nager, est donc mort cette nuit là dans des circonstances qu’une enquête judiciaire va tenter d’éclaircir. Il faudra encore de longs mois avant sa conclusion. L’instruction a même été dépaysée à Rennes dans un souci d’impartialité. Les dysfonctionnements devraient donc être analysés et poursuivis en toute objectivité. Pourtant, Sylvie Herbin regrette aujourd’hui que les organisateurs et pourvoyeurs de drogue ne se remettent pas en cause dans cette fin de soirée tragique, et qu’ils ne soient pas davantage inquiétés. Il faut dire que c’est une goutte de NBOMe, généreusement proposée aux participants contre quelques euros qui a fait basculer son fils dans le « bad trip» qui lui a été fatal à Boves, près d’Amiens, il y a 5 ans. Maxime errait sur la voie ferrée toute proche du lieu la fête quand il a été mortellement percuté par un train de marchandises. Depuis chacune des morts annoncées en marge d’une soirée festive, comme un dégât collatéral, ne fait que raviver la plaie des parents de ce jeune homme de 25 ans. Afin que la responsabilité de ce drame soit établie, ils ont déposé plainte contre X pour homicide involontaire, sans résultat jusqu’à présent
ÉVITER D’AUTRES DRAMES
Mais Sylvie et Bruno Herbin n’en sont pas restés là. La mort de Steve les a incités à interpeller les Ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé. «Ces fêtes, leurs écrivent-ils, sont lucratives pour un petit nombre d’organisateurs, très lucratives pour les trafiquants, coûteuses pour les pouvoirs publics (forces de l’ordre, services de secours, environnement, etc…) dramatiques pour les parents qui ont la douleur d’y perdre un enfant. Nous éprouvons un sentiment d’écoeurement à voir les mots de jeunesse, loisir, épanouissement, culture, servir de couverture au cynisme d’un petit nombre de gens « cool » et sans scrupules.» Autrement dit, le rôle de ceux qui se posent en intermédiaires entre pouvoir publics et organisateurs, comme les garants d’une manifestation sans dérapage, mériterait peut-être d’être clarifié. Les parents des victimes de ces soirées sont en droit de s’interroger sur l’alibi culturel ou festif revendiqué par les organisateurs.
UN DÉNI PRÉOCCUPANT
Ceux là ne peuvent pourtant pas ignorer que ces rassemblements génèrent un trafic de stupéfiants lucratif. Aucun chiffrage officiel des accidents mortels qui s’en suivent n’a jamais été réalisé. En 5 ans, Sylvie Herbin a dénombré plus d’une trentaine de récits de ces soirées mortelles dans la presse (soirée techno ou étudiante, bizutage ou fête du samedi soir). On est évidemment très loin de la réalité puisqu’aucun comptage exhaustif n’a jamais été réalisé. Voilà pourquoi les parents de Maxime suggèrent aussi la création d’un observatoire de ces manifestations afin d’en présenter un bilan chiffré. C’est le sens de la lettre qu’ils ont adressée aux Ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé en demandant “que ces soirées fassent l’objet d’un suivi attentif au niveau national, et que pour commencer les accidents qu’elles engendrent soient systématiquement et spécifiquement recensés” grâce à la création d’un observatoire dédié à ces manifestations. Agnès Buzyn a fait transmettre cette requête au Directeur Général de la Santé. Est-ce le début d’une prise de conscience ?