L’histoire est si jolie qu’on pourrait la croire inventée. Pourtant le dessinateur IEMZA et le photographe SYLVERE H ont vraiment grandi ensemble dans le quartier Bernon à Epernay. Et quand la réputation parfois négative de la ZUP est évoquée au détour d’une phrase, ils font comme si rien de tout ça n’était jamais parvenu jusqu’à leurs oreilles. Pour l’un et l’autre, Bernon est avant tout le souvenir de leurs années bonheur. Ils les évoquent en stéréo, avec ce même sourire tranquille qui ne les quitte apparemment jamais. « C’est un quartier avec plein d’ilôts et d’espaces verts sans risques. Et comme on y était en sécurité, on a vécu dehors. On faisait beaucoup de basket et de skate. Pour nous Bernon c’est une madeleine de Proust, un lieu chaleureux, le quartier de la mixité. C’est simple de faire du skate quand un architecte a pensé des courbes qui sans le savoir étaient un terrain de jeu parfait . On a été lié au béton très tôt. » Les deux enfants s’approchent aujourd’hui de la quarantaine, mais le béton et l’architecture de Bernon ne les ont jamais quittés. Car c’est la fameuse agence ANPAR, qui a signé le quartier sparnacien et ses immeubles pyramide -« brutalistes » par référence au béton brut- dans les années soixante. « J’ai compris récemment pourquoi mes traits sont ce qu’ils sont, dit IEMZA, à cause de cette architecture .» Le travail original du street artist et du photographe est exposé à la médiathèque du centre ville. Il s’est imposé aux deux artistes comme une évidence. Ils se sont réapproprié l’espace dans lequel ils avaient grandi pour créer une cité utopique à partir de ces vaisseaux qui sont la marque de fabrique du quartier. Les photos inversées de SYLVERE H sont symétriquement doublées autour d’un axe central puis animées par les funambules de IEMZA , achevant les tableaux d’un univers fantastique. La proposition s’intègre tout naturellement dans l’offre foisonnante des deux médiathèques d’Epernay, avec ce festival URBA dédié aux cultures urbaines jusqu’à la fin de l’année.
« J’aimerais bien avoir le retour des gens qui vivent à Bernon, dit Sylvère H, on l’a fait pour ça. Pour leur ouvrir des horizons, montrer qu’il y a tout un champ de possibles même à Bernon, faire savoir que leur quartier a été pensé par Pierre PARAT, un architecte mondialement connu. »