Les pulsions sexuelles de L’abbé Pierre n’étaient pas un secret. La nouveauté réside dans leur révélation fracassante, suivie d’une prise en charge efficace de ses victimes. À Reims, dans les années 70/80, l’abbé Prot était, lui aussi, vénéré par les fidèles. Ses pratiques pédophiles, parfois jusqu’au viol, étaient connues. Elles ont détruit la vie de plusieurs hommes. Et 40 ans plus tard, la reconnaissance et l’accompagnement de ses victimes restent timides. Le comportement exemplaire de Bruno Morel, actuel président d’Emmaüs, incitera peut-être à plus de volontarisme de la part de l’Eglise.
Rapportée à l’échelle du diocèse de Reims, l’aura de l’Abbé Prot n’avait rien à envier à celle de l’abbé Pierre. Et c’est ce qui lui a permis d’abuser impunément des jeunes garçons qui lui vouaient, comme leur famille, une admiration sans borne. Aujourd’hui devenus des hommes, ils préfèrent souvent garder le silence, enfouir leur mal-être pour l’oublier. Ces victimes ont pu fréquenter la Maîtrise de la Cathédrale, ou participer à des camps scouts dans le Cantal, à moins qu’il n’aient passé quelques unes de leurs vacances avec l’Association du Sourire de Reims, à Clefcy, dans les Vosges. L’abbé Prot n’était jamais loin
IRRÉSISTIBLE PRÉDATEUR
Partout, des années 70 jusqu’au milieu des années 80, il a laissé sa terrible marque. Ses victimes sont aujourd’hui des pères, des grands pères qui ne retiennent pas toujours leurs sanglots quand ils osent dire ce qu’ils ont vécu, et plus encore quand ils font le bilan de leurs vies dévastées. Ils ont tenté d’étouffer ce secret pour l’anéantir. En vain. Les premiers signalement officiels, dont celui de Benoît (prénom modifié), arrivent à l’archevêché en 2019. Ils sont alors transmis au parquet de Reims. Les viols sont reconnus par la justice, mais classés sans suite, puisque l’abbé Prot est décédé en 1986. Et puis plus rien. Tout comme le charisme de l’abbé Pierre, celui de l’abbé Prot a sidéré la plupart de ses victimes, leurs parents, et l’Eglise. On n’ignorait pourtant rien de ce qu’il était capable de faire subir aux jeunes garçons qu’il repérait. Il faudra la mobilisation de Guillaume, une autre victime, pour faire bouger les choses en Octobre 2023. Lire ICI
DES VICTIMES AGISSANTES
Ses multiples démarches, notamment auprès de l’archevêché, lui ont permis d’entrer en contact avec Benoit. Ce sont donc ici les victimes qui agissent et qui enquêtent, contrairement au dispositif particulièrement réactif la Fondation Emmaus, pour faire toute la transparence sur les dérives de l’abbé Pierre. Concernant Daniel Prot, un collectif qui doit permettre de retrouver les traces de tous ces enfants abusés a été créé par Guillaume et Benoit.
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Il donnera la force de parler aux adultes qu’ils sont devenus. Georges (prénom modifié) a accepté de témoigner à son tour dans une démarche de transparence. Son récit a été publié ICI. Une douzaine de victimes s’est fait connaître du collectif depuis sa création. Il y en a évidemment beaucoup plus, mais la chape de la pudeur et de la honte est lourde. Pourtant, on n’ignore plus aujourd’hui qu’il ne peut y avoir de rémission sans la reconnaissance totale de ces terribles agressions.
UN SOUTIEN TRÈS ATTENDU
Les échanges et le partage d’expérience sont aussi un moyen d’atténuer les séquelles, d’approcher une forme de sérénité. Voilà pourquoi Monseigneur de Moulins-Beaufort a été sollicité pour favoriser l’identification de tous les enfants qui ont pu croiser l’abbé Prot dans leur parcours scolaire et extra scolaire. Lire ICI L’archevêque de Reims s’est finalement impliqué pour obtenir les informations qui permettraient de reconstituer le parcours de l’abbé Prot à Reims, et dans les diverses structures privées et très proches de l’Église, où il a pu sévir. Au-delà de ce soutien logistique, les victimes réclament un accompagnement psychologique et matériel. Les soins dont elles ont besoin ont un coût. La destruction de leur vie doit être chiffrée, elle aussi. Mais les moyens matériels et humains de l’INIRR (Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation) sont bien trop limités. La différence entre l’Abbé Pierre et l’abbé Prot, c’est que le second n’appartient pas au roman national des français. Est-ce une raison pour que ses victimes soient moins respectées que celles du fondateur d’Emmaüs ?