« En faisant monter ses visiteurs sur le toit terrasse de la future coopérative d’Ecueil, le vigneron pourra lui montrer la parcelle qui a produit sa bouteille ». Tout est dit ou presque dans ces quelques mots du président Alain Brugnon. Le chantier qui démarre, pour un investissement de 2,2 millions d’euros, a l’ambition de satisfaire ce besoin d’une expression forte des jeunes adhérents dans des vins parcellaires. Il doit aussi permettre de créer sur ce site exceptionnel un pôle oenotouristique et culturel ouvert toute l’année ou presque aux amateurs de champagne
La réflexion autour de ce nouvel outil remonte à une dizaine d’années, quand quelques jeunes vignerons ont décidé de quitter la coopérative d’Ecueil, pour avancer seuls dans leur propres projets. La structure avait été rénovée en 2007. Les emprunts n’étaient pas encore remboursés. Le pressoir Coquard de 4000 kg permettait déja de presser tous les raisins du jour, en séparant toutes les origines tracées : premier cru ou non, chardonay ou pinot, certification VDC (Viticulture Durable en Champagne), HVE (Haute Valeur Environementale) , et plus tard en bio ou en parcellaire…Mais rien n’était prévu pour les vinifications particulières. Une étude, commandée dans la foulée par le Président Alain Brugnon, a confirmé cette envie très forte de vins parcellaires chez les jeunes adhérents, ainsi qu’une tendance à s’engager dans la certification bio.
PARCELLAIRE ET COOPÉRATIF
La moitié des 50 adhérents de la coopérative d’Ecueil élaborent leurs propres champagnes. Avant même les travaux très prometteurs qui viennent de s’engager, la coopérative d’Ecueil a été capable, aux dernières vendanges, d’immobiliser son pressoir Coquard pour des raisins bio, et des marcs très qualitatifs destinés aux adhérents ou à la maison Krug. Ceci dans le cadre d’un partenariat très exigeant, monté avec la marque mythique pour répondre à ses objectifs particuliers. «La preuve est faite, dès à présent qu’on est capable de travailler en parcellaire, commente Alain Brugnon.» Les équipements futurs, vont ainsi doubler la capacité de produire des marcs spécifiques en petite quantité, très identifiés. Sans renier la démarche collective de toute coopérative, celle d’Ecueil travaillera donc tous ces petits volumes en répondant aux attentes des vignerons. Ils auront la possibilité de presser et vinifier séparément leurs vins, de les stabiliser, de les filtrer, de les travailler comme il l’entendent, au sein de la coopérative.
DU PARCELLAIRE, MAIS PAS TROP
«À eux de se retrouver dans ces bouteilles, de les packager comme il faut pour les vendre à 50 ou 60 euros la bouteille,» ajoute Alain Brugon. Car ces micro productions ont évidemment un coût de fabrication bien plus élevé. «On va quand même très loin dans le détail, là. Avec des cuvées de 2000 bouteilles, on se fait plaisir, mais encore faut-il les valoriser.» Peut-être, suggère Alain Brugnon, faudrait-il voir un peu plus loin que le parcellaire. Et il rappelle qu’Ecueil a la chance d’avoir connu 4 remembrements. La surface de ses parcelles se situe entre 15 et 80 ares. Et son vignoble a des cœurs de terroirs qui méritent une attention particulière. La coopérative pourrait favoriser des cueillettes groupées, des cuvées plus conséquentes, reproductibles après leur lancement. C’est la conviction de son président : «Notre outil favorisera demain une identification parcellaire, certes, mais il permettra aussi d’aller plus loin dans la connaissance de notre terroir.» Et ce n’est pas tout.
L’OENOTOURISME AU PRESSOIR
La coopérative d’Ecueil doit aussi devenir un outil de promotion des champagnes qui vont y être élaborés. « Aujourd’hui, les vignerons ont la chance inouïe de créer l’envie de champagne sur la toile. Mais ils ont besoin de lieux d’accueil, pour présenter leurs produits dans des espaces qui font rêver. » Voilà le programme. La demande d’oenotourisme est très forte. L’idée est donc d’ouvrir ce nouvel espace pendant toute la saison touristique, de Pâques jusqu’à la vendange : expositions d’art, concerts, ateliers gastronomiques, marchés de producteurs, marché de Noël … les idées ne manquent pas. Le projet prévoit un toit terrasse qui offre une vue à couper le souffle, à 360° jusqu’au massif nord de l’appellation. Les pelleteuses s’activent déja au dessus des cuves depuis la fin des vendanges, sans pour autant perturber le vieillissement des jus. Les travaux devront s’achever pour la remise en route des pressoirs à la prochaine récolte.