Une centaine de chambres luxueuses en bordure de la forêt de la Montagne de Reims surplombera bientôt le vignoble de la Vallée de la Marne. La construction de cet établissement d’exception sur un terrain de 17 500 mètres carrés nécessite un investissement de 25 millions d’euros. Restaurant, bar à champagne, vinothèque SPA et piscine, tout est pensé pour immerger le visiteur dans un luxe champenois authentique et contemporain à la fois. La gestion de ce complexe, dont l’ouverture est attendue dans deux ans, sera assuré par l’opérateur autrichien Loisium, fort d’une expérience oenotouristique confirmée dans son pays. Plus encore que la magie du lieu, ce qui fascine aujourd’hui c’est la détermination de celui qui a porté le projet .
25 ans. Voilà 25 ans qu’il est porté par cette conviction : la prospérité de la Champagne passe par la découverte de ses vignes associée à la dégustation de ses vins. Bernard Beaulieu, aujourd’hui retraité, a été ouvrier caviste chez Bollinger, secrétaire général de l’Intersyndicat du Champagne…et maire de Mutigny, la plus haute commune du vignoble champenois, où il n’a jamais cessé de cultiver les vignes que ses parents lui ont laissées. Pas étonnant qu’il ait cherché à valoriser les trésors de son village.
LA CHAMPAGNE AUTREMENT
Mutigny s’est ainsi doté par sa volonté d’un “Sentier du Vigneron” si didactique qu’il attire jusqu’à 5000 visiteurs par an. Il faut dire que le panorama qu’il offre à 360°sur les vignes mérite le détour. Cette première en Champagne était en réalité l’avant goût d’une petite révolution oenotouristique rêvée par un champenois épris de son terroir. Les caves des grands négociants sont depuis toujours un passage obligé autant qu’inoubliable pour les touristes. Mais Bernard Beaulieu s’est persuadé très vite que l’industrialisation de la production avait fait disparaître beaucoup du charme et de la pédagogie de ces visites. Il fallait rapprocher les amateurs de champagne de ceux qui l’élaborent dans leurs villages, sur leurs côteaux, il l’a compris très tôt. L’oenotourisme tel que les champenois commencent à l’assimiler aujourd’hui n’était pas encore dans l’air du temps. Il fallait vraiment y croire. L’histoire du complexe hôtelier de Mutigny commence en réalité par l’idée d’une maison d’hôtes de quelques chambres. Elle devait favoriser les ventes des vins des vignerons du village, à partir de leur vignes. Elle a vite été abandonnée par manque de rentabilité. Le projet d’un complexe hôtelier plus important s’est imposé peu à peu parce qu’il avait fait ses preuves à l’étranger, dans d’autres régions viticoles. En Champagne il en a fait sourire certains parce que cette proposition émanait d’un ancien caviste. Jusqu’à ce que plusieurs enquêtes de consommation confirment qu’une clientèle internationale et aisée était effectivement en attente de cette offre touristique particulière. La demande était bien là.
QUAND L’ADVERSITÉ STIMULE
Le parcours n’a pourtant pas été facile jusqu’à la signature, voilà deux jours, d’un accord qui scelle le financement du futur hôtel de Mutigny pour un montant de 25 millions d’euros. Il fédère les porteurs du projet et leurs partenaires bancaires… dont le Crédit Agricole ne fait curieusement pas partie. La banque a lâché Bernard Beaulieu après la mort prématurée de Pierre Cheval qui le soutenait sans faillir, quand il ne travaillait pas à la candidature UNESCO de la Champagne. Caudalie s’est également désengagée. La fameuse entreprise de vinothérapie a finalement préféré le Royal Champagne où elle n’est d’ailleurs pas restée. Les partenaires se sont succédés anéantissant les avancées du dossier à chacun de leurs abandons. On est passé d’un cabinet d’architecte à l’autre, d’un investisseur à d’autres…Mais Bernard Beaulieu n’a jamais cessé d’y croire même s’il a pu se sentir souvent très seul. Il a reçu les encouragements sincères de nombreux ministres, de François Hollande et d’Emmanuel Macron quand ils sont passés par là, mais jamais aucune aide. Pire encore, les services de l’Etat ne lui ont épargné aucune embûche : refus du permis de construire en raison du risque supposé d’un glissement de terrain, exigence ensuite d’une protection drainante pour qu’il soit accordé, obligation de préserver une barrière boisée de 8000 mètres carrés d’un côté, interdiction d’abattre les arbres en bordure de terrain de l’autre. Et cerise sur le gâteau, le permis de construire a été remis en question par la présence de grenouilles à ventre blanc sur une zone humide de la parcelle.
“Je ne m’attendais pas à ça commente sobrement Bernard Beaulieu. J’étais convaincu que mon idée était bonne, je pensais qu’elle allait intéresser un groupe, et voilà.”
Il n’a pourtant jamais été question d’abandonner. Jusqu’à connaître, à 73 ans, la belle satisfaction d’avoir eu raison de ne rien lâcher. Et l’aventure ne fait que commencer puisque les travaux sont tout juste lancés. L’ouverture du complexe hôtelier est annoncée pour le printemps 2022
RECONNAISSANCE OFFICIELLE
La première pierre du chantier à été posée le 5 Septembre 2020 en présence des élus du département et de la région, du Prefet de la Marne et des représentants autrichiens et français du consortium qui porte le projet.