Son champagne est référencé de longue date dans les meilleurs guides. Mais il est question ici d’une cuvée très particulière : 1573 flacons numérotés d’un rosé de saignée exceptionnel. Parce que l’emballage autant que le vin sont un hommage au terroir de Pierre Trichet. Ce packaging très novateur est une prouesse écologique portée par une chaîne d’acteurs locaux. Il fait la fierté du vigneron de Trois Puits.
Le coffret de ce rosée de saignée 2018 est fabriqué à partir de ceps de vignes, comme une évidence. Elle a pourtant nécessité une longue longue mise au point avant d’être une innovation.
ÉCORESPONSABLE A 100%
Il a fallu chercher, essayer, ajuster, avant de trouver le juste apport de lin qui permettrait l’agglomération des copeaux de cep. Ce n’était qu’un début. Car l’obstination d’Emeline Cordy, la collaboratrice de Pierre Trichet, est sans limite.
C’est elle qui a mûri ce projet d’un emballage entièrement compostable, grillant une très prestigieuse maison de champagne sur le poteau de l’innovation. L’ étiquette du rosé de saignée est en papier, bien sûr. Mais elle est gaufrée, sans encre et sans dorure. Une chance : l’ostentation n’est pas dans la culture de la maison. La capsule est ajourée, sans impression ou presque. Le défi s’est corsé quand il a fallu coiffer le col avec du papier, encore. Et il fallait qu’il soit blanc, comme pour compliquer sa mise en place. Mais ils l’ont fait.
UN PROJET FOU
Une chaîne d’acteurs champenois s’est donc investie dans cette démarche verte, derrière les convictions du vigneron. « Ce coffret coûte cher, commente Pierre Trichet, bien plus qu’un carton chinois. On est sur une cuvée qui a été extrêmement dure à mettre en place. J’ai mis dix ans à obtenir un rosé de saignée sans correction à l’assemblage par du vin rouge ou du vin blanc. On a été jusqu’à égrener les grappes, on a mis du caviar en cuve pour que ce soit superbe, on a réussi notre coup sur la vinification. Je ne suis pas sûr de pouvoir en refaire, ça dépendra de la qualité des raisins. Mais de toute façon, vu le temps passé sur cette sélection je n’imagine pas d’en faire 20, 30 ou 40 000 exemplaires. C’est impossible avec la technicité qu’on y a mis. »
UN PETIT VIGNERON QUI SE BOUGE
Pour Pierre Trichet, l’aboutissement de ce projet est une fierté. « On ne s’appelle pas Moët. Ce coffret c’est aussi la reconnaissance du savoir-faire du petit vigneron qui se bouge un peu dans le fin fond de sa campagne. » Il est vrai que les exploitants champenois sont de plus en plus nombreux à vouloir révéler leur terroir en le préservant, revendiquant un statut de créateur. » La coiffe en papier, dit Pierre Trichet, je suis persuadé que c’est une véritable avancée technologique. Je serais heureux que l’idée fasse des petits, qu’elle devienne mondiale.» Cette conception d’un emballage compostable à 100% fera-t-elle son chemin, malgré son coût ? « Le prix dépasse l’entendement, mais sans ce coffret, le produit ne serait pas le même. »L’expérience a ouvert de nouveaux champs de réflexion au vigneron de la Montagne de Reims, ce qui n’a pas de prix.