La reprise inespérée des ventes est un réconfort pour la Champagne. Mais les vignerons n’en sont pas moins sonnés par ce qu’ils viennent de vivre. Le gel, la grêle, le mildiou…Il faut remonter aux années 50 pour trouver des aléas climatiques aussi ravageurs. Les vignerons sont pressés d’oublier cet épisode calamiteux ,très atypique. Il faudra pourtant en tirer les leçons, dans la vente autant que dans les vignes.
“On a récolté la moitié d’une vendange habituelle commente le Président du Syndicat Général des Vignerons.” A la faveur de la traditionnelle conférence de presse du VITeff*, Maxime Toubart peut donc se féliciter, une fois de plus, d’un privilège tant envié de l’appellation Champagne.
MERCI LA RÉSERVE
Ce dispositif interprofessionnel permet de puiser dans une réserve de vins tranquilles constituée dans les années fastes. Il permettra d’atteindre le rendement en appellation de 10 000 kg à l’hectare décidé par l’interprofession. C’est l’équivalent de 300 millions de bouteilles. La moyenne du rendement agronomique aux dénièrent vendanges se situe à 6500 kg. On est en droit de regretter, avec le recul, que les quotas de l’année précédente aient été drastiquement réduits, et dans la douleur. Malgré l’abondance d’un raisin de qualité en 2020, on a choisi alors d’éviter la surproduction à tout prix. Lire par ailleurs : DE LA CRISE ÉCONOMIQUE À LA CRISE INTERNE
“ON S’EN SORT BIEN”
Le président du SGV n’esquive pas la critique, non sans faire remarquer qu’elle est facile, après coup. La crise de la Covid menaçait alors les ventes de champagne. “C’est toujours compliqué de prévoir dit-il, on aurait pu faire plus mal, il n’y a pas eu de casse, on s’en sort bien.” Les ventes annoncées de 305 millions de bouteilles devraient être supérieures de 19% à celles de 2019 (logiquement impactées par le choc de la crise sanitaire), en dépassant très légèrement celles de 2020. La valorisation des bouteilles s’améliore, promettant un chiffre d’affaire global de 5 milliards d’euros. Reste que cette progression profite de moins en moins au champagne de propriétaires -26% du marché- face aux grandes marques du négoce. Alors il faut agir.
BOOSTER
Il est vrai qu’une nouvelle race de jeunes vignerons se passionne aujourd’hui pour l’élaboration de cuvées rares et chères. Cette montée en gamme séduit une clientèle de connaisseurs étrangers. “Mais c’est compliqué de vendre loin, souligne Maxime Toubart, pour un vigneron qui rentre de ses vignes”. Des solutions d’aide à la commercialisation sont ainsi proposées sous le label “SGV Booster”. La crise sanitaire a fait découvrir aux amateurs étrangers, et comme aux USA, qu’on peut s’offrir de très bons champagne pour les consommer chez soi. Les cavistes qui se sont magistralement adaptés aux contraintes de la crise ouvrent de nouvelles perspectives aux producteurs.
DES VIGNERONS SONNÉS
Reste que la violence des aléas climatiques a “sonné” le vignoble selon le directeur du SGV. “Ils ont tout donné, dit Laurent Panigai, et ils sont très sanctionnés. Certains n’ont pas eu de vendange du tout.” La tentation sera grande de renoncer au bio pour ceux qui viennent de s’y engager. Mais l’orientation vers une viticulture vertueuse est irréversible pour le patron du SGV parce que le marché l’impose. Il faudra bien sûr tirer les enseignements des disparités constatées dans les vignes selon les méthodes et les opérateurs, y compris en bio. “Le matériel et les méthodes comptent beaucoup » dit Laurent Panigai. Mais pour Maxime Toubart le maintien d’une viticulture écologique ne se fera pas à n’importe quel prix.
*VITeff : Salons des technologies des vins effervescents du 12 au 15 Octobre à Epernay