CHAMPAGNE : LES RENDEMENTS TOUJOURS AMERS DE LA DERNIÈRE VENDANGE

Au printemps dernier le Comité Champagne annonçait une chute des expéditions de 30% pour l’année 2020 sur fond de crise sanitaire. Ces prévisions un peu trop pessimistes se sont accompagnées d’une forte réduction des rendements pour éviter la surproduction. La bonne nouvelle c’est que les ventes n’ont finalement baissé que de 18%. Mais pour certains vignerons ces rendements limités auront un coût.

Aurélien Joly est producteur de champagne à Troissy. Il fait partie des vignerons qui se sont inquiétés de la réduction annoncée des rendements l’été dernier. Parce que cette mesure drastique allait compromettre la rentabilité de son exploitation. L’équilibre économique des vignerons “metteurs en marché” comme on les appelle parfois, se situe autour d’un rendement de 9000 kilos à l’hectare. On se souvient du bras de fer particulièrement musclé entre le Comité Champagne et la Fédération des Vignerons Indépendants. Lire ici : Le ton monte en Champagne

UN RENDEMENT RESTREINT PAR LA CRISE

Ces tensions se sont conclues sur un rendement hissé à 8000 kilos à l’hectare, sous le regard attentif de Josiane Chevalier, Préfète du Grand Est. Libre ensuite au producteur pénalisé par ces restrictions d’aller acheter des raisins, à hauteur de 15 % de sa récolte, chez le voisin qui pouvait lui en vendre. Aurélien Joly raconte qu’il a dû prendre cette décision “la larme à l’oeil, alors qu’il restait des raisins superbes dans mes vignes.” Car il faut le rappeler, la vendange 2020 a été exceptionnelle en qualité et quantité. Coût de l’opération pour le producteur de Troissy :100 000 euros. Fin Janvier, les chiffres définitifs des expéditions de champagne pour 2020 ont été rendus publics par le Comité Champagne : moins 18% de bouteilles expédiées au lieu des 30 % redoutés.

LA CHAMPAGNE A SAUVÉ LA SITUATION

Le chiffre d’affaires de la filière champagne devrait ainsi s’établir autour de 4 milliards d’Euros contre 5 milliards l’année précédente. Jean “Marie Barillère, pour les négociants, et Maxime Toubart pour le vignoble, se félicitent dans leur communiqué de presse de la belle résistance de la filière champagne “qui a su s’adapter très rapidement dans un contexte de fortes incertitudes pour résister aux conséquences de la crise sanitaire et économique.” Les représentants du Comité Champagne confirment ainsi “ la décision prudente adoptée en Juillet d’ajuster le volume de la récolte afin de répartir les efforts entre les vignerons et les maisons de Champagne. Au regard des performances économiques constatées, il a également décidé de compléter la récolte disponible de 8000 kg/hectare par une sortie de la réserve* interprofessionnelle de 400 kg/hectare.

“ ÇA NOUS A MIS LES BOULES”

« Ça nous a mis les boules”, commente Aurélien Joly. Le président de la Fédération des Vignerons Indépendants, Yves Couvreur, l’écrit en d’autres termes dans un courrier qu’il adresse au Comité Champagne (ou CIVC) : “Il nous faut à présent débloquer 400 kg d’une ancienne vendange alors que nous aurions pu lisser nos charges sur un rendement plus approprié si ces 400 kilos avaient été récoltés en 2020.”
Car c’est bien la question des charges et de la survie des “vignerons expéditeurs” qui est au cœur du débat. La lente érosion des rendements les contraint à renoncer à l’élaboration du champagne. Ils pourraient choisir d’augmenter sensiblement le prix de leurs bouteilles. Mais le consommateur apprécie de moins en moins, d’autant que les vins mousseux lui font les yeux doux.

PRODUCTEURS EN DANGER ?

Comme l’écrit encore Yves Couvreur dans son courrier au CIVC, “vos choix depuis 2008 on fait baisser la manipulation (cad les vignerons producteurs de champagne NDLR) de 30 à 20%.”
On s’éloigne en effet du fameux équilibre champenois où les ⅔ la production devraient être assurés par les maisons du négoce, le reste par les vignerons.
*La réserve interprofessionnelle est une spécificité champenoise qui permet de stocker des vins tranquilles pour les réinjecter si besoin dans la production des années suivantes. Ce débloquage s’impose à tous les professionnels champenois.

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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