Aina Kuric a été élue députée de la deuxième circonscription de la Marne en Juin 2017. Elle avait 30 ans, elle ne s’y attendait pas. Mais comme elle le rappelle volontiers, personne n’y croyait. Propulsée à l’Assemblée Nationale par l’effet Macron elle reste, neuf mois plus tard, une inconditionnelle de la politique du Président, sans regrets apparents pour l’entreprise d’oenotourisme qu’elle a cessé de diriger après son élection. Elle revendique à la foi ses origines franco-malgaches et sa passion pour le terroir champenois dont elle est tombée amoureuse. Alors qu’une majorité de français se disent déçus par Emmanuel Macron, elle affirme aujourd’hui son adhésion à toutes les causes du gouvernement qui sont aussi les siennes : CSG, SNCF, emploi, immigration…à quelques nuances près sur ce registre là.
Aina Kuric est née dans une famille qui avait la bougeotte. C’est ce qui l’a conduite à Reims où elle vit depuis quatre ans. Elle s’y est très vite passionnée pour la Champagne, son vin et ses terroirs. Forte d’un BTS d’hotellerie-restauration elle s’est engagée dans l’oenotourisme, jusqu’à son élection. « J’ai aimé transmettre ma passion. Les quelques 2000 visiteurs à qui j’ai fait découvrir la Champagne regrettaient à chaque fois de ne pas pouvoir rester plus longtemps. » La carte de la Champagne Viticole s’affiche donc en bonne place, juste derrière le bureau de sa permanence, en plein centre de Reims.
LE PATRIMOINE CHAMPENOIS, FORMIDABLE RICHESSE
Aina Kuric est membre de la commission des finances à l’assemblée, mais elle fait aussi partie du groupe vigne et œnologie. Avec son collègue marnais Eric Girardin, elle s’est mobilisée contre la sur-taxation des pressoirs, elle réclame une simplification des contrats de vendangeurs, déplorant que cette complexité administrative et la lourdeur des normes d’hébergement incitent les viticulteurs à recourir à des sous traitants étrangers. Elle a été élue par les rémois, mais elle n’a pas de rancune pour les vignerons de la Vallée de l’Arde et du Tardenois qui l’ont boudée aux législatives. Elle tient à son ancrage dans le vignoble et elle s’anime quand elle aborde la question du formidable potentiel oenotouristique de la Champagne . « Il faut valoriser cette richesse à l’étranger mais aussi auprès des locaux. Jusqu’ici, c’était facile, il y avait peu de concurrence. Mais les vins effervescents du monde entier se vendent de mieux en mieux. Le sens du service, l’ouverture, l’accueil font encore défaut. La Route Touristique du Champagne est mal exploitée. Il faut expliquer que le champagne est un vin, mais un vin d’exception. La reconnaissance internationale de notre terroir, son patrimoine historique est un capital énorme. Il ya encore une grosse marge de progression, l’oenotourisme est un métier, mais ça bouge. »
UNE CONFIANCE INÉBRANLABLE
Aina Kuric s’est engagée en politique comme elle l’a fait dans sa vie professionnelle : à fond. Mais les neufs premiers mois de sa députation lui ont appris la patience et l’humilité. « Je pense que je serai beaucoup plus efficace sur la loi de finance 2018 que je ne l’ai été sur 2017. Cette première année reste un temps de rodage, de recensement, de constat. » Elle ne prétend pas faire beaucoup mieux ni beaucoup plus vite que ses ainés. Les aménagements qu’elle revendique pour les vignerons ne seront pas mis en oeuvre d’ici la fin de son mandat, elle le sait. Ce temps long qui s’impose à elle figure sans doute au chapitre des désenchantements de sa jeune expérience politique, comme le regard exigeant du citoyen pour qui les élus n’en font jamais assez. La mise en ligne de son agenda sur son site veut prouver le contraire. Reste que sa confiance est inébranlable, pour l’instant, dans l’action du gouvernement dont les convictions sont les siennes. Le changement de statut des cheminots, la hausse de la CSG qui touche les retraités font des mécontents, le désamour se manifeste dans la rue…mais le projet d’Emmanuel Macron est le bon sur le long terme, elle en reste convaincue. « Il fait ce qu’il a dit, on ne peut pas le lui reprocher. La grève à la SNCF a été déclenchée par une réforme qui n’est pas encore sortie. L’augmentation de la CSG touche une moitié des retraités, mais le gouvernement a été porté au pouvoir pour résorber la dette et l’Etat c’est comme une entreprise, il faut générer des recettes avant de faire des dépenses.
ON DE DEMANDE PAS DES EFFORTS MAIS DE LA PATIENCE
L’augmentation de la CSG était la solution la moins douloureuse pour les menages et elle n’importe que la moitié des retraités. La TVA aurait été bien plus pénalisante parce qu’elle augmente tous les prix. On ne demande pas des efforts, mais de la patience, seulement ce qu’on fait est mal retranscrit. Les Français sont attachés à un système. L’Allemagne a un fable taux de chômage mais on n’a pas à rougir, les allemands travaillent dans des conditions beaucoup plus précaires que nous. La réponse concrète au chômage, c’est la formation et dans la Marne nous faisons un travail conséquent travail avec le Prefet, le Président de Région pour promouvoir la formation professionnelle, initiale et continue. On dit que les chômeurs n’ont pas envie de travailler, c’est faux. Mais ils ne connaissent pas toutes les opportunités qu’on leur offre. En France, celui qui a envie de faire peut tout faire , mais c’est de notre responsabilité de leur faire connaître tous les leviers qui sont à leur disposition. » Aina Kuric serait elle toujours en campagne ? « Oui je continue toujours sur les marchés pour faire valoir les mesures du pouvoir d’achat pour les français parce qu’on rejette ce qu’on ne connaît pas, c’est valable pour tout. La loi de finance c’est mon paquet de clope, c’est mon plein d’essence, c’est mon quotidien. Si on arrive à vulgariser ces mécanismes on aura gagné. »
SUR L’IMMIGRATION, ON PEUT MIEUX FAIRE
On ne peut pas ouvrir les frontières sans filtre. Ce qu’on qualifie de « tri » est en réalité une un différenciation parce qu’on accompagne pas de la même manière des familles, des mineurs ou des femmes seules. Mais bien sûr qu’il faut limiter. On est loin du compte de ce qu’on pourrait faire mais il faut un contrôle. Pas plus loin qu’à Reims, l’Etat a été défaillant pour accueillir les migrants. Et c’est un privé qui les a logé, un particulier qui a eu l’envie et les moyens d’agir la où l’Etat afait défaut. Faut-il ouvrir les frontières et multiplier les campements sauvages à la Saint John Perse (du nom du parc où s’étaient installés les tentes des réfugiées NDLR) ? Je ne suis pas sûre. Dans la Marne les migrants ont peu nombreux, et les habitants sont particulièrement généreux , dévoués et bienveillants. C’est une chance, mais ce n’est pas comme ça partout. Donc oui il faut laisser rentrer, mais progressivement. Mais je ne cautionne pas tout pour autant. La loi asile et immigration ne devrait s’appeler que loi asile parce qu’on n’a pas trouvé la bonne solution. Le rapport du député Aurélien Taché est trés intéressant notemment parce qu’il propose que les immigrés aient le droit de travailler au bout de 3 mois , même si leur situation n’est pas régularisée. On veut raccourcir les durées d’instruction des dossiers mais on n’a pas assez de fonctionnaire pour le faire, d’où l’importance d’un travail et d’un apprentissage systématique de la langue. Ce que je reproche à cette loi c’est qu’on ne traite que l’asile et pas l’immigration. Et si vous ne venez pas de Syrie, vous n’avez rien à faire en France. Il n’y a pas que la Syrie, il y a l’Erithrée, le Nigéria… Pour les immigrés économiques, c’est sur place qu’il faut régler le problème. Certains pays colonisés n’ont jamais réussi à émerger après l’indépendance. C’est la responsabilité de l’Europe de les accompagner. On aura toujours des réfugiés économiques et climatiques si on ne règle pas le problème sur place. Ceux qui réussissent s’en vont les autres restent avec leurs difficultés.Il faut vraiment investir là bas pour les sortir de leur difficultés.
FAN DE MACRON ?
« Je ne suis fan de personne. Mais c’est grâce à nous qu’il mènera sa politique, c’est grâce à sa vision qu’on avancera , et sa vision ne me déçoit pas. On ne va pas lui reprocher de faire ce pour quoi il a été élu. SNCF, CSG, ce sont des engagements qui ont été pris. La France n’a pas les moyens de durer plus longtemps dans sa situation actuelle. » A la question d’un second mandat de députée, Aina Kuric ne veut pas répondre trop tôt. « Il faut voir dans quel état je serai à la fin de celui la. La réélection de Macron va dépendre de ce quinquennat. Je ne me positionerai pas avant d’avoir vu les résultats. S’ils ne sont pas bons, pas conformes aux engagements, si on se trahit, si on ne va pas dans la bonne direction, je ne recommencerai pas. On ne sait jamais ce qui peut arriver demain, surtout quand on vient d’En Marche. Quand on émerge aussi rapidement, on peut partir aussi vite. Je souhaiteras d’abord qu’Emmanuel Macron fasse 2 mandats. Parce que si on regarde son projet global si on « dézoome », c’est le bon projet d’un cercle économique vertueux, à terme. »