QUAND LA VIOLENCE TIENT LIEU D’ÉDUCATION 

Un jeune couple vient d’être condamné par le Tribunal Correctionnel de Reims à 4 mois de prison avec sursis pour des violences sur leur trois enfants. Ils ont interdiction de les rencontrer et même de  leur parler au téléphone. Les tentatives d’échanges se sont avérées trop perturbantes pour cette fratrie, deux sœurs et un frère ainé, aujourd’hui âgés de 5 à 12 ans. Illustration Bonito Léo 

La petite fille avait 7ans quand elle a signalé des faits d’agression sexuelle par ses parents, avec force détails. Sa petite sœur, alors âgée de 4 ans, a confirmé devant les policiers spécialisés dans ces interrogatoires très particuliers. La restitution des récits est glaçante de précision. 

LA SEXUALITÉ SUR YOUTUBE, À 4 ANS 

Quelqus mois plus tard, Les parents démentent formellement toute agression à caractère sexuel devant leurs juges Et les expertises médicales ne les confirment pas. Alors, le président s’interroge : d’où sortent ces récits concordants des deux fillettes ? “Je ne sais pas. Des smartphones, avance la jeune mère ? On leur a souvent laissé nos portables. Ils allaient  sans doute sur YouTube.” Ce qui pourrait être l’explication de déclarations très semblables de la part des deux petites filles. La méthode éducative qui consiste à confier son portable à des fillettes de 4 et 7 ans ne sera pas commentée durant cette audience. D’autant que les parents ne sont pas poursuivis pour des agressions sexuelles qui ne sont pas prouvées.

“JE NE VEUX PAS LES VOIR “

Restent les coups. Quelques fessées tout au plus, c’est ce que reconnaissent les deux parents, actuellement en cours de séparation. Mais les indices dont on dispose évoquent une violence habituelle. La mère a par exemple été incapable de réprimer une claque, alors qu’un référent éducatif assistait à sa rencontre avec les enfants. Faut-il s’étonner qu’ils ne veuillent pas revoir leurs parents ? Les fillettes sont agressives en famille d’accueil. Coups et morsures sur les autres enfants, au point que l’une d’entre elles a été placée en foyer. “J’ai fait comme papa et comme maman”. Se pose aussi la question d’une privation alimentaire. Elle pourrait pousser les fillettes à se précipiter aujourd’hui sur la nourriture qu’on leur propose. La plus grande souffre d’un surpoids préoccupant. Mais cette accusation est une fois encore balayée par les parents.  

RECADRER DES PARENTS CABOSSÉS 

Ils ont à peine plus de 30 ans. Calmes, posés, censés dans leurs réponses. Il est cuisinier. Elle fait des aides à domicile. On apprend qu’ils ont été des enfants maltraités avant d’être maltraitants. “Il y a eu violence, dit Maitre Manni en défense du père, mais elle n’a pas été extrême.” Les violences  sont ici considérées comme éducatives, ajoute l’avocate, en rappelant que l’interdiction de la fessée ne date que de 2019. “J’ose plaider la clémence, parce qu’il n’y a pas eu volonté de mal faire.” Le couple est condamné à 4 mois d’emprisonnement assortis du sursis et d’une obligation de stage en responsabilité parentale. “A un moment donné, a dit Sandrine Delorme dans son réquisitoire, vous aurez la possibilité d’avoir des liens avec vos enfants et de les gérer correctement.” Et la mère a approuvé de la tête. 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

You May Also Like