La Valse est à n’en pas douter la sculpture emblématique de Camille Claudel. Personne n’a pu recenser à ce jour l’intégralité des exemplaires de cette oeuvre bouleversante. En plâtre, en grès, en bronze…dans des tailles et des versions différentes. Le bronze de 46,7 cm adjugé en Juin dernier par Aymeric Rouillac au Château d’Artigny n’en a pas moins atteint l’enchère d’1 million 463 mille euros, frais compris. C’est un record mondial. Après cette acquisition, Reine Marie Paris – petite nièce de l’artiste- a annoncé que la sculpture irait enrichir la collection du Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine. Mais il faudra beaucoup de temps encore et beaucoup d’argent avant que la promesse ne se concrétise. Qu’importe puisqu’à peine ouvert, le MCC connaît un succès remarqué.
« Reine-Marie Paris n’a pas contacté le musée pour l’instant et l’arrivée de La Valse n’est pas prévue dans les mois qui viennent. » La mise au point de Cécile Bertran, la conservatrice du Musée Claudel, s’imposait après l’enchère historique du bronze de Camille Claudel. La déferlante médiatique qui a suivi semblait annoncer un dénouement très proche. Il n’en est rien et Philippe Cressent, le compagnon et associé de Reine Marie Paris le confirme. Il n’est évidemment pas question d’offrir cette « Valse » au musée.
L’ART, LA FAMILLE ET L’ARGENT
En 2008 Reine Marie Paris a vendu une grande partie de sa collection au Musée Camille Claudel. 70 oeuvres cédées pour un montant de 12 millions d’euros , dont une « Valse » en grès pour 500 000 euros, et un « Âge mûr » pour 1 millions deux cent mille euros. « Ce musée est l’affaire de notre vie » dit Philippe Cressent, rappelant que Reine-Marie Paris, aujourd’hui âgée de 76 ans, n’a eu de cesse par ses études et ses recherches de révéler le génie de son ancêtre. Un immense talent longtemps occulté par celui de Rodin, qui fut son maître avant d’être son amant. Reine Marie Paris est présidente d’honneur de l’Association des Amis du Musée. Rien d’étonnant à ce que la sculpture qu’elle vient d’acquérir soit promise à la collection nogentaise, mais pas tout de suite. Une salle tout entière dédiée à « La Valse » expose dés à présent un bronze, 2 plâtres patinés et un grès, plus une « Fortune » dérivée de « La Valse ». « La sculpture récemment vendue aux enchères permettrait de montrer les variations opérées par l’artiste sur les bronze qu’elle faisait couler » explique Cécile Bertran. « Dans un premier temps Camille Claudel a fait un certain nombre de plâtres patinés qu’elle a pu donner à des amis ou des collectionneurs. On pense qu’il y en avait une dizaine mais à chaque fois elle les retouchait, notamment au niveau du socle. La base est différente, la traine est différente. Il est possible qu’un de ces plâtres non localisés ait servi à la fonte du bronze qui vient d’être mis aux enchères , mais qui ne porte aucun cachet de fondeur. » Cette sculpture aura donc toute sa place dans le musée nogentais mais il faudra se montrer patient. « Nous avons vendu des œuvres de Camille Claudel au Musée en 2003 pour pouvoir en racheter d’autres explique Philippe Cressent. C’est ce que nous faisons. Certaines de ces oeuvres, comme « La Valse » nouvellement acquise pourraient être rachetées pour le musée par un mécénat d’entreprise. Ils ont déjà acheté Percée et la Gorgone, l’oeuvre monumentale de Camille, en échange d’importants avantages fiscaux. Nous pourrions aussi en faire don à l’Etat, en échange d’une exonération des droits de succession pour nos quatre enfants, sous la forme de ce qu’on appelle une dation en paiement. »L’échéance de ces transactions doit en tous cas s’envisager sur le long terme. Mais en fait, ce n’est pas si grave pour le musée.
LA CONSÉCRATION AVANT LES TRANSACTIONS
Car le MCC connaît déjà le succés : 25 000 entrées après 3 mois , avec d’excellents commentaires des visiteurs qui ont envie d’y revenir. Ils sont conquis par ce musée qui s’adosse à la maison familiale des Claudel en ouvrant ses fenêtres sur la ville. Le musée a fait le choix d’offrir une vision très complète de la sculpture à l’époque de Camille , faisant échos entre ses oeuvres et les parcours des sculpteurs qui l’ont précédée, en particulier les nogentais Paul Dubois et Alfred Boucher. Les sculptures de l’époque, souvent consacrées à la danse, sont annonciatrices de La Valse. Une salle consacrée à l’édition éclaire le travail de Camille Claudel avec Eugène Blot et son incidence sur une conception plus décoratives des oeuvres qui deviennent polychromes par le mélange des matériaux. Une autre salle éclaire le contexte et les enjeux de la commande publique, alors seule capable de financer des œuvres ambitieuses et très coûteuses puisqu’il fallait payer les matériaux et le travail de tous les corps de métier, fondeurs, mouleurs, ciseleurs. La muséographie révèle aussi le carractère novateur de Camille Claudel, la mysoginie étouffante qu’elle a eu a subir, et l’influence réciproque qui s’est exercée entre l’œuvre de Rodin et la sienne. Ce qui n’a été révélé que tardivement, dans les années 80, par les chercheurs et historiens.
Devancée par le succès public, l’inauguration officielle du MCC est annoncée pour le mois d’octobre. Elle permettra notamment de remercier les cofinanceurs d’une aventure exaltante et fructueuse.