Il a quitté le Tribunal Correctionnel de Reims les menottes au poignet. Les preuves accablantes du viol de sa fille ne l’ont pourtant pas empêché de nier devant ses juges. Elle avait 14 ans au moment des faits. 15 mois plus tard elle a tenu à ce que le procès de son père soit public, pour que son viol* ne soit pas un tabou.
C’est un quadragénaire, athlétique,élégant et beau parleur. Le conseiller financier rappelle volontiers ses origines congolaises. C’est pour mieux dresser le portrait d’un homme facile à vivre et qui se met volontiers aux fourneaux. Il se dit raisonnable, animé par le sens de la famille, jamais violent. “Ce qui est sûr, s’impatiente le président, c’est que vous avez une forte image de vous même, ça c’est clair.”
LE CONCEPT D’ADN BALADEUR
Mais il faut en venir aux faits. On est en Juin 2020. Il vit séparé de la mère de sa victime. L’adolescente passe les week end chez son père. Jusqu’à ce qu’elle dénonce des faits nauséabonds. Caresses, vibromasseur et jeux sexuels par terre sur un matelas, devant la télévision du salon. Pénétration vaginale. Les prélèvements qui suivront révèlent la présence de spermatozoïdes et surtout de l’ADN du père modèle dans le vagin de sa fille. Mais il en faut plus pour le déstabiliser. Avec un aplomb sidérant, il affirme que la présence de son ADN n’est pas dû à une pénétration, mais aux pratiques sexuelles de sa fille. C’est le moment pour lui d’accabler l’adolescente “portée , dit-il, sur le luxe et sur le sexe”. Et il évoque les preuves de “sa dérive,” et même de “sa déviance sexuelle.”
SALIR SA FILLE…
Personne ne conteste d’ailleurs les images très suggestives que la victimes a pu faire circuler sur les réseaux sociaux. Des nus de la mère et de sa fille jusqu’à des scènes de masturbation de l’adolescente. Tout figure au dossier. Et le président en convient, “c’est une façon de procéder des ados qu’on peut déplorer”. “Beaucoup de jeunes ont ces pratiques sexuelles qui peuvent être choquantes, dit un peu plus tard Me Kadiyogo (image ci-dessus)), mais ça n’autorise pas le viol.” L’avocate de la partie civile évoque un environnement familial compliqué pour l’adolescente. Un juge pour enfant suit d’ailleurs son parcours. La violence du père a été signalée dès 2008 par son pédiatre. “La mère assume ses carences, le père doit les assumer aujourd’hui. »
…POUR NIER LE VIOL
L’avocate salue l’engagement de la jeune victime. Elle a tenu à ce que le procès de son père soit public. “J’assume. Il faut que ce qu’il a fait soit révélé.” La procureure Anaïs Palhol insiste à son tour sur son courage. “En plus du viol, elle a entendu de son père des choses qui ont porté atteinte à sa dignité. Certes les repères de l’intimité ont été perdus chez elle, mais c’est la conséquence de ce qu’elle a subi, pas la cause.” La peine requise et prononcée est de 5 ans d’emprisonnement. Elle est assortie d’un suivi socio judiciaire de 10 ans. Dans son costume impeccable, le prévenu est menotté pour rejoindre la maison d’arrêt. Le regard de sa fille est embué, mais elle ne craque pas.
*Les faits pouvaient relever de la Cour d’Assises. Ils ont été correctionnalisés avec l’accord de la victime ce qui a raccourci les délais de jugement.
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